Le théâtre Nô – une introduction

20 mai 2013 4 Par Bidib

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Le nō, nom abrégé de sarugaku no nō, est un genre théâtrale qui se développe à partir du XIVème siècle. Il s’agit de danses, déclamations et chants accompagnés d’instruments et gestes, basés sur un texte poétique et des dialogues. Le drame prends place sur une scène rappelant l’architecture des sanctuairesau décor très minimalistes. Les acteurs sont accompagnés par un orchestre de flûtes et tambours ainsi que par un chœur. Selon le rôle interprété et le type de drame joué, les acteurs s’exécutentà visage découvert où en portant demasques représentant chacun un type de personnage bien précis. Le masque couvre le visage de l’artiste sans l’emboîter.

Le nō plonge ses racines dans les genres antérieurs, comme le sarugaku (danses et musiques importés du Continent), le dengaku (originairement des danses populaires pour la récolte) ou le kagura (danses sacrés shintoïstes).

Ce genre de théâtre fut particulièrement apprécié par les élites guerrières qui, à cette période, gouvernaient le Japon : des grands personnages comme Ashikaga no Yoshimitsu (1358-1408), Oda no Nobunaga (1534-1582) ou Toyotomi no Hideyoshi (1536-1598) en étaient de grands passionnés.

Comme dans d’autres formes théâtrales, les troupes de nō étaient généralement liées à un sanctuaire shintô (dont l’architecture est reprise pour créer le décor de scène).

Le nō est caractérisée par un rythme lent, des mouvements souvent statiques et très codifiés. Il s’agit d’un art fortement empreint de Bouddhisme, mais aussi de Confucianisme, et dont la musique doit refléter l’ordre et l’équilibre. Tout est très codifié et encadré. Il ne s’agit pas d’ébahir le spectateur, mais de le délecter et d’aboutir à une catharsis à travers une progression régulière.

Le chœur, qui chante à l’unisson, intervient quand le personnage mime une action, pour commenter un passage dramatique, ou dans la description des paysages.

L’orchestre, comme le chœur, se trouve sur scène. Elle compte quatre instruments, une flute : le nōkan, ou fue, et trois types de tambours : le kotsuzumi, le ōtsuzumi et le taiko.

Les rôles des personnages sont aussi codifiés de façon très précise:

Shite, il est le personnage principale de l’histoire.

Maejite, dans les nō de rêve et d’apparition, il s’agit du shite sous sa forme réincarnée.

Nochijite, dans les nō de rêve et d’apparition, c’est le shite quand il apparaît sous sa vrai forme.

Tsure, l’éventuel accompagnateur du shite.

Waki, l’ « hôte », le premier personnage à entrer sur scène. Il ne porte pas de masque.

Waki no tsure, attendant éventuel du waki.

Ai, personnage qui intervient dans l’entracte.

Hitamen, personnage interprété par un acteur à visage découvert.

On distingues principalement deux genres de nō :

Le mugen-nō : nō d’apparition, où le shite ce n’est pas (ou ce n’est plus) un être humain. En général, le shite entre une première fois sur scène comme maejite, puis, dans un second temps, il reviens comme nochijite.

Le genzai-nō : nō du monde réel, où les personnages sont des êtres humains vivant. Dans les drames de cette catégorie, les acteurs sont généralement à visage découvert, faite exception pour les personnages féminins.

On peut ensuite diviser le répertoire en 5 catégories :

Waki-nō ou Kamimono : nō sur des dieux. Le shite est souvent un dieux où un messager divin. On peut citer en exemple le drame Takasago.

Shuramono ou Otokomono : nō de fantômes masculins. Les histoires de cette catégorie sont souvent tirés des gunkimono (récits guerriers, proches des chansons de gestes) telles le Dit des Heiké. Le shite est souvent un guerrier mort (c’est le cas du drame Atsumori, que nous allons analyser plus tard).

Katsuramono ou Onnamono : nō où le personnage principale est une héroïne. La source d’inspiration de ces drames sont les grands romans ou recueils de contes, tels les Contes d’Ise (comme pour le drame Matsukaze), ou le Roman de Genji (comme pour le drame Izutsu).

Zatsu-nō : nō d’argument variable, souvent liés au monde réel. Un exemple en est le drame Kinuta.

Kichikumono ou Onimono : nō au tempo très rapide, ayant comme personnages principales des démons. On peut citer en exemple le nō Sakkyō.

Ces différentes catégories se distinguent par un tempo progressivement plus rapide. Dans la journée étaient représentées plusieurs pièces, suivant un tempo croissant. Habitude qui s’affirma à l’époque d’Edo, où l’on représentait quatre à six pièces sur rythme croissant : 1 kamimono, 1 shuramono, 1 katsuramono, 1 onimono.

Scène de nō

Une pièce est divisible en 5 parties (cinq dan) qui correspondent à l’idéale de la progression jō-ha-kyū (début, développement, résolution). Dans le premier dan, le waki entre en scène et expose le cadre de l’action, ensuite il se présente (nanori). Il correspond au . Dans le deuxième, troisième et quatrième dan, on a le développement du drame, le ha : le shite arrive, l’histoire est racontée avec plus de détail, on a un échange sous forme de dialogue avec le waki (mondō). C’est le cœur du drame. Le shite exécute une danse (kuse-mai) et sort de scène. Enfin, dans la cinquième partie, correspondante au kyū, la plus rapide, le shite rentre à nouveau en scène. On a une danse et un chant accompagné par le chœur, puis la sortie du shite et la fin du drame.

On distingue deux types de registre dans la déclamation de l’acteur :

kotoba : le registre parlé. Il n’a pas de rythme ou mélodie fixe, mais un modèle d’inflexion;

fushi : le registre chanté, divisé en deux catégories: hyōshiawazu, chant non rythmé, où il n’y a pas de lien spécifique entre les syllabes chantées et le rythme de la musique; hyōshiau, chant rythmé, où il y a correspondance entre musique et syllabes prononcées.

Le chant lui-même a deux styles:

yowagin : « chant doux », plus ancien, au vibrato lent et régulier, utilisé dans les scènes lyriques;

tsuyogin : « chant fort », développé à la période d’Edo, au vibrato irrégulier et à l’ampleur croissante, utilisé pour les scènes plus mouvementées.

Aujourd’hui le répertoire compte environs 230 pièces et 5 écoles : Kanze, Hōshō, Kongō, Kita et Konparu. Cet art de la scène est protégée par deux dieux : Shokushin, Dieu de la Station (parfois assimilé au personnage de Okina, de la pièce homonyme) et Matarajin (ou Madarajin), dieu de la Pratique (à l’origine de la Pratique Bouddhique, car il est un dieu vénéré par la Tendai).

Article rédigé par Tenger et mis en forme par Bidib
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