Homosexualité et manga : le yaoi, manga 10 000 images

14 novembre 2013 14 Par Bidib

Ce n’est pas du yaoi en tant que genre de manga que je vais vous parler (ça va venir, un de ces jour j’y consacrerais sans doute un billet). Mais aujourd’hui c’est sur numéro 1 de la revue Manga 10 000 images que je vais me pencher. Et il se trouve que ce premier numéro est consacré au yaoi, type de manga en pleine expansion ces derniers temps.

La première publication de se numéro date de 2008. A l’époque le genre était encore très peu connu du publique français en dehors des cercles fermé de fan et la revue se proposait de nous le faire découvrir. Depuis, le boys-love à connu une très grande croissance de son marché avec des nouveaux éditeurs et de plus en plus de titres proposée. La revue à été récemment réédité et mise à jour pour mieux coller aux nouvelles données du marché francophone. Oui, mais voilà ! Moi j’ai appris la réédition de ce numéro une semaine après avoir commandé mon exemplaire (T_T) C’est donc de la première version que je parlerais dans les paragraphes qui suivent.

Alors, que nous propose cette revue ?

Voici la table de matière :

Une petite histoire du yaoi

Les éditeurs de boys love

Entretien avec Hisako Miyoshi

Le yaoi en francophonie

Les produits dérivés

Fiches des auteurs

Pourquoi les filles aiment-elle le yoai ?

Le coin des chroniques

Ces manga qui se servent du yaoi pour doper leur ventes

Le yaoi est-il gay ?

Entretien avec Benita

Manga : Une fleur sauvage

Et c’est intéressant ?

Et bien, dans son ensemble j’ai trouvé que les différents auteurs de ces articles ont fait du bon travail. C’est bien écrit, bien documenté, plutôt approfondi… ça nous change de certaines revues aux articles bâcle… Bon, faut dire qu’on n’est pas du tout dans le même genre de produit que les revues auxquels je lance un petit clin d’œil perfide. Le travail n’est pas le même et la cible non plus, d’ailleurs. On n’a pas ici une revue de news et de divertissement mais plutôt dans une revue sérieuse qui veut faire des articles de fond sur le manga, comme nous l’annonce Hervé Brient sans son éditorial :

Manga 10 000 images est donc une collection à thème, en quelque sorte une revue d’étude sur la bande dessinée japonaise.

Et ça tombe bien, c’est justement ce que je recherchait !

Revenons un peu plus en détails sur le contenu. Si l’ensemble du travail est fait avec sérieux, je n’ai pas lu tous les articles avec le même intérêt.

L’introduction historique n’est pas mal du tout, on y découvre comment sont né les premier shônen-aï dans les revues de shôjo, puis l’apparition du yaoi dans le milieu du dôjin avant que celui-ci ne se mute en Boys love après avoir été récupéré par la presse officielle, ces deux milieux coexistant plus ou moins pacifiquement selon les époques.

Le deuxième article, qui fait un tour d’horizon des principaux mangashi  spécialisé dans le Boys love, je l’ai trouvé moins passionnant. Disons que cela peut-être intéressant pour un spécialiste, mais moi qui ne m’intéresse pas plus que ça au marché éditorial nippon, j’ai trouvé cette partie assez rébarbative.

Sans intérêt, en revanche, c’est ainsi que je qualifierais l’entretien avec Hisako Miyoshi, vice-rédactrice en chef de la section manga chez Libre Pushing, qui n’apporte aucune information intéressante. A la décharge de Hisako Miyoshi et de Hadrien de Bats qui a réalisé cet entretien, j’éprouve exactement le même sentiment d’absolue inutilité en lisant la grande majorité d’interviews réalisé sur des personnalité japonaise. J’ai l’impression que pour celle-ci l’exercice de l’interview se résume à dire quelques futilité en public. Bref, la seule chose que j’ai retenu de cet entretien, c’est que Mme Hisako Miyoshi ne s’est jamais intéressée au Boys love avant de commencer ce travail… pour moi ça veut tout dire.

J’ai retrouvé mon enthousiasme en lisant “Le yoai en francophonie”. L’article est intéressant, mais c’est surtout ici que j’ai regretté de ne pas avoir la dernière réédition ! Car depuis 2008 le marché francophone du yaoi a énormément changé. Si en 2008 très peu d’éditeurs francophone publient du BL, aujourd’hui nous avons des éditeurs entièrement spécialisé dans cette branche. Alors qu’en 2008 on pouvait conter les titres yaoi sur les doigt de la main, maintenant de nouveaux titres sortent chaque mois chez plusieurs éditeurs. S’il est intéressant de voir comment le Boys Love est arrivé en France et quels sont les éditeurs à en avoir initié le mouvement. Cet article est malheureusement trop daté pour donner une idée de ce que peut-être le marché actuel du yaoi en francophonie.

L’article suivant, “Les produits dérivé”, je ne l’ai pas trouvé très passionnant. Et surtout peu inscrit dans la thématique puisque s’il existe des produits dérivé du Boys love, ce phénomène touche le manga en général, du coup, j’ai pas tellement pigé ce que cela venait faire ici.

S’en suivent quelques “Fiches auteurs” qui elle ont ravivé ma curiosité. Si je connaissais certaines d’entre elles, surtout de nom, cela est toujours intéressant d’en apprendre un peu plus sur les auteurs et d’avoir leur bibliographie. Là encore je regrette la vieille éditions car depuis certaines œuvres citées ont connu une traduction en français, mais je ne les ai pas toutes en mémoire.

On a Moto Hagio qui a récemment été publié en français avec Le cœur de Thomas (shônen-aï qu’on nous présente ici des l’introduction sur l’histoire du yaoi) et une Anthologie.

Suit You Higuri, également publié en France. Je ne suis pas sûre d’avoir déjà lu un de ses manga, mais j’ai bien envie de tenter son Ludwig II.

On nous parle ensuite de Setona Mizushiro dont j’ai lu Le Jeu du chat et de la souris, manga qui m’a franchement laissé indifférente. Cliché, classique,bref, rien de très extraordinaire dans ce titre. Et pourtant il a l’air d’avoir fait son petit effet sur un public non yaoiphile. Mystère… En revanche le petit encart qui est fait sur son shôjo L’infirmerie après les cours, me donne envie de l’essayer.

On nous parle ensuite de Yuki Shimizu (Ze, Love Mode), Yôka Nitta connue entre autre pour sa série Haru no daite ita, Kaoru Uchida, Hyôta Fujiyama et Shushushu Sakurai, que je ne connais pas encore (du moins j’ai pas retenu leur nom). Et pour finir Shiho Sugiura et Ayano Yamane que je connais surtout à travers l’adaptation anime de certains de leurs manga : Koori no mamono no monogatari Gaiden pour Sugiura et Viewfinder pour Yamane.

Après cet apparté du côté des auteurs, l’article que j’ai le plus aimé : “Pourquoi les filles aiment-elle le yaoi ?”. J’ai trouvé cet article très bien fait et très pertinent. D’ailleurs, j’y ai trouvé des réponse à la question que je me posait moi-même depuis très longtemps (depuis que j’ai commencé à lire du yaoi en fait) : pourquoi est-ce que j’aime ça ? La question a été déjà posé ici et là, et sans m”être attardé trop longtemps sur les réponses, j’en trouvait aucune qui me convienne. Namtrac apporte ici quelques réponses qui me semblent intéressante tant d’un point de vue sociologique que psychologique et je trouve cela bien plus convaincant que les quelques “c’est pour la beauté du dessin” ou “la complexité du scénario” que j’ai pu voir ici et là.

Ainsi, qu’elles suivent le récit en spectatrices ou qu’elle s’identifient aux héros (parce que les émotions n’ont pas de sexe et sont universelles), les lectrices peuvent laisser libre cours à leur désirs sans se soucier du réel, des problèmes de grossesse, de contraception, voire de ne “plus être bonne à marier” pour les lectrices japonaises. Pour elles, l’amour entre deux hommes signifie pas de mariage, pas d’enfants, pas de contraintes physiques, morales ou sociales, que du sexe pour le sexe, l’amour pour l’amour, en somme la liberté.

L’auteur s’attarde aussi sur les différents type de yaoi et la perception différente que peuvent avoir les lectrices japonaises où occidentales puisque dans nos deux cultures le sexe est perçu différemment.

Ce qui m’a plus à la lecture de cet articles, c’est de mieux comprendre mes propres penchants, de pouvoir mettre des mots sur ce que je ressentais sans savoir comment l’exprimer.

Si les lectrices de yaoi ont un problème, notamment les plus âgées, c’est bien plutôt avec l’image qu’on leur renvoie d’elles dans le shôjo, avec les rôles qu’on veut leur faire endosser (ou qu’elles croient qu’on veut leur faire endosse, interprétant les actions et les comportements des héroïnes à l’aune de leur propre insécurité et de leur propre obsession). Passives, obnubilées par l’amour du héros, ne se préoccupant pas de carrière professionnelle, incapable de prendre une décision seule… ces héroïnes de shôjo provoquent un rejet viscéral de la part de certaines lectrices, par trop forte empathie peut-être.

Mais c’est tout moi ça ! Comme j’ai pu bondir de rage en voyant dans certains shôjo (surtout dans le genre romance life-school) les héroïnes déclarer leur amour en… préparant de bon petit plat pour l’élu de leur cœur ! P*** au est au XXI siècle ! T’as faim ? T’as qu’à t’faire à bouffer ! Et tant que t’y est, cuisine aussi pour moi ! Non, mais…

Bon, ok, ma réaction excessive à des relents de féminisme démodé et tous les shôjo ne sont pas comme ça… Mais j’assume pleinement mon féminisme démodé et voire, dans une BD destiné aux futur générations, de jeunes collégiennes ne s’inquiéter que du bento qu’elle prépareront à leur amoureux me déprime carrément !

Au même temps, ça existe aussi dans certains BL où le uke est tellement féminisé qu’il n’est guère différent d’une femme (si se n’est pas son tour de poitrine) et y occupent la même niche sociale… ça me révolte aussi !

Au delà de cette réaction “viscéral” que provoque en moi certains stéréotype sur la féminité, le yaoi incarne surtout un fantasme :

Une âme féminine dans le corps masculin, un être idéal dans tous les sens du terme, fantasmé, parfait, sublimé. Un idéal auquel elles aspirent peut-être inconsciemment. Être femme dans un corps d’homme, retrouver une époque sans barrières, ce temps béni de l’enfance où la différence des sexes n’existe pas encore.

Bref, à chacun ses raison d’aimer ou pas le yaoi. Mais en ce qui me concerne, je trouve l’analyse de Namtrac très juste.

Après cet introspection, c’est au tours de quelques manga de faire la une, on nous présente 12 titres ayant connu une traduction française avant 2008. Depuis de nombreux yaoi ont été traduit. Ici on trouve Zetsuai 1989, New york New York, Fake, Kizuna, Ludwig II, Gravitation, Love Me Tender, Loveless, Princess Princess, Le Jeu du chat et de la souris, Color, Guaken Heaven.  Techniquement parlant, tous ces titres ne sont pas des Boys love mais tous s’en approchent par certains aspects.

Suit un article sur “Ces manga qui se servent du yaoi pour doper leur ventes”. La lecture de ce dernier m’a plutôt amusé car, faut le dire, je commençait sérieusement à me dire que j’avais un esprit bien tordu pour voir du BL partout. Finalement, après avoir lu cet article, je me dit que je suis loin d’être la seule et que bien souvent c’est voulu par l’éditeur lui-même.

L’article suivant tente d’expliquer en quoi le yaoi n’est pas un manga gay et nous parle de la critique faite au yaoi par des artistes gay. Un article intéressant qui reprends certains point déjà vu précédemment pour donner un nouveau éclairage sur ce phénomène. Dommage qu’on n’ai pas plus d’information sur le manga gay. La réédition remédie à cette lacune puisque un article y est dédié au bara, le manga gay.

Un petit glossaire et, pour finir en beauté, une nouvelle yaoi inéditte de Benita.

Finir en beauté… enfin… histoire de parler. Parce que moi cette nouvelle, je l’ai trouvé vraiment à ch***. Franchement ! Et ça gâche un peu tout le propos du magazine. On nous dit combien que le yaoi est riche et ceci et cela… et au final on nous sort une nouvelle où rien n’est digne d’intérêt. Pas d’histoire, pas de personnages, pas même un dessin qui vaille le coup. Une fleur sauvage n’a rien pour plaire.  Remarquez, elle colle parfaitement à la définition première du terme yaoi :

acronyme de “YamA nashi, Ochi nashi, Imi nashi”, ce qui signifierait “pas de climax [dans la narration], pas de chute [au récit], pas de sens [à l’histoire]”

Si cette petite BD offerte en bonus ne m’a pas du tout plu, j’ai trouvé la lecture du magazine plaisante et très intéressante. Un investissement que je ne regrette pas.

Pour voir le sommaire de la nouvelle édition c’est ici => Le Yaoi

Malheureusement ils ont gardé la même nouvelles en bonus… mais des nouveaux articles viennent compléter le sommaire de la première édition.

Pour lire un extrait, cliquez ICI

Vous pouvez retrouver toutes les définitions des termes techniques dans le Lexique

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