TBTL 2020 #4 : A lire au moins une fois dans sa vie (ou comment je vous raconte une histoire d’amour entre un livre et moi)

27 février 2020 4 Par Bidib

Le Throback Thursbay Livresque est un rendez-vous initié par Betty Rose Books et repris par Carole de My BooksLe principe du rendez-vous est simple, mettre en lumière un livre lu il y a quelque temps et qui illustre les thèmes de la semaine. Thème qui nous est donné par Carole.

Le thème cette semaine est : à lire au moins une fois

Résultat de recherche d'images pour "le petit prince"Le premier livre qui m’est venu à l’esprit en lisant ce thème c’est Le Petit Prince. Ce livre m’avait beaucoup marqué et j’entretiens avec lui une relation particulière. Ado, je voulais devenir un écrivain pour écrire comme Saint Exupéry tant ce livre m’avait touché. J’ai lu le Petit Prince 3 fois. Ça ne fait peut-être pas beaucoup aux yeux des dévoreurs de livres, mais ça l’est pour moi. Je ne relis presque jamais un livre et, à l’exception de quelques recueils de poésie (Verlaine et Rimbeau qui j’ai lu et relu passionnément à l’adolescence et plus du tout depuis), c’est le seul livre que j’ai relu trois fois.

La première fois que j’ai voulu lire le Petit Prince, j’avais 6/7 ans. J’avais grandi dans une famille multiculturelle, nombreux étaient les francophones, mais j’avais cessé d’apprendre le français avec le départ de mon père. Un jour, par hasard je suis tombé sur un livre, Le Petit Prince, les illustrations m’avaient donné envie de connaître l’histoire, mais déjà que la lecture était pour moi un parcours du combattant, lire en français ce n’était pas possible. J’avais donc feuilleté, caressé, humé, et regardé le livre sans pouvoir le lire. Puis je l’ai perdu de vue. Il n’est apparu que des années plus tard, alors que nous avions emménagé en France et que je parlais et lisais français couramment (ou presque).

La première fois que je l’ai enfin lu, je devais avoir 14/15 ans, et ça m’a marqué. Je me suis tout de suite reconnue dans le renard qu’il faut apprivoiser. J’étais une enfant solitaire qui désespérait d’être apprivoisée par quelqu’un qui aurait la patience d’attendre que je sorte de ma tanière (ce fut plutôt la mégère apprivoisée que le renard du Petit Prince, mais on peut toujours rêver). J’avais aimé la façon dont l’auteur parle des adultes comme des êtres incapables de voir et de comprendre, non pas des êtres qui ont gagné quelque chose en grandissant, mais qui on perdu quelque chose. Moi, qui étais à l’orée de l’âge adulte, je ressentais exactement la même chose, si je ne voulais pas rester enfant, je ne voulais pas devenir adulte. Je perdrais alors la seule belle chose de la vie : la magie. Je ne voulais pas devenir une grande personne. Je voulais voir des boas ayant mangé un éléphant pour toujours. En lisant ce livre j’ai compris qu’il tentait qu’à moi de garder une âme d’enfant, que je pourrais voir des serpents là où les autres ne voyaient que des chapeaux, tout comme Saint Exupéry.

Saint Exupéry venait d’ouvrir une porte et de gagner mon amour éternel.

Le livre est resté depuis dans ma bibliothèque, il m’a suivi dans mes nombreux déménagements sans que jamais je ne prenne le temps de le relire. Puis un jour, motivée par un challenge, je me suis dit qu’il était temps d’en faire une seconde lecture. Ce fut la douche froide. Cette seconde lecture me laissait un goût très amer. Je n’avais pas retrouvé les émotions que je gardais en mémoire de ma première lecture. J’ai lu une jolie histoire et c’est tout. Et ça, ça m’a profondément déçue, non pas de Saint Exupéry, mais de moi-même. Je venais de me rendre compte que j’étais devenue une grande personne, de celle qui ne voit que des chapeaux. Quelle tristesse !

Résultat de recherche d'images pour "le petit prince serpent boa"J’ai gardé mon (mes) Petit Prince (j’en possède plusieurs éditions) dans ma bibliothèque en souvenir de nos jours heureux (enfin des jours malheureux dans lesquels Saint Exupéry avait su m’apporter un peu de soleil). Un souvenir doux-amer. Un souvenir qui vous rappelle que vous avez changé. Un souvenir et des regrets.

Un ou deux ans plus tard, alors que Mimiko était encore en âge de vouloir que sa mère lui lise des histoires, j’ai ressorti le Petit Prince. Elle en avait lu quelques extraits à l’école et n’avait pas tout compris. Je tenais là une occasion de renouer avec le passé, de partager avec ma fille l’une des lectures qui avait le plus marqué ma vie, je n’allais pas laisser passer cette occasion ! J’ai ressorti l’une des éditions (la plus récente, celle qui est là pour être lue, la première est là pour être vénérée, c’est celle de mon enfance que j’ai retrouvée dans les affaires de ma mère). Et je l’ai lu, à haute voix, pour elle. Joie, bonheur, milles étoilent dans les yeux et dans le cœur !! Le lui lire, alors même que l’exercice de lecture à haute voix est une entreprise difficile pour moi, a ravivé la magie. En lisant pour une enfant, j’ai retrouvé toute la magie que j’avais vue à ma première lecture. Ensemble nous avons ri de la façon dont l’auteur se moque des grandes personnes (et je n’étais plus l’une d’entre-elle) ensemble nous avons attendu avec le renard, ensemble nous avons ri des planètes visitées par le Petit Prince, ensemble nous avons été agacées par la Rose. Ensemble nous avons aimé Le Petit Prince et Saint Exupéry.

Une nouvelle porte venait de s’ouvrir : être une grande personne n’est pas une fatalité.

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