Le gardien de l’esprit sacré
couverture française illustrée par Thomas Ehretsmann
Pratiquement un an après avoir écrit Light novel (en France) je vais enfin publier une première chronique sur l’un des rares light-novel publiée en France. Il s’agit du gardien de l’esprit sacré écrit par Nahoko Uehashi (上橋 菜穂子). Évidemment la version française n’est pas présentée comme un light-novel, mais tout simplement comme roman jeunesse, publié aux éditions Milan en 2011.
Le texte original s’intitule 精霊の守り人 (Seirei no Moribito) et est sorti en 1996. Il est le premier tome de la série 守り人シリーズ (Moribito shirîzu), Guardian series en anglais, série de 12 romans auquel on peut ajouter un guide et un livre de recettes. Seule le premier, Serei no Moribito, a déjà été traduit en français. On trouve une traduction anglaise des deux premiers romans sous les titres Moribito : Guardian of the Spirit et Moribito II : Guardian of Darkness.
Couverture japonaise
Résumé :
Balsa, une femme guerrière, spécialiste de la lance courte, travaille comme garde du corps. Un jour, de passage dans la capitale du Nouveau Royaume de Yogo, elle sauve la vie du deuxième prince. Cet acte désintéressé va bouleverser sa vie. Le soir même, la deuxième reine va lui confier la vie du jeune prince qui est possédé par un esprit. Balsa va devoir protéger le prince des assassins du Mikado, mais une autre créature menace la vie du prince…
Mon avis :
Il y a quelques années j’ai vu l’anime adapté de ce roman. Lire un livre dont on connaît déjà l’intrigue peut se révéler ennuyeux. Et pourtant, je me suis facilement laissé entraîner dans l’univers du Gardien de l’esprit sacré, recréant dans mon esprit des images bien différentes de celles que propose l’anime. Nahoko Uehashi sait très bien construire son univers, alternant action et contextualisation de façon a ne jamais ennuyer le lecteur, tout on offrant une vision claire et construite du monde dans lequel évoluent les personnages.
L’aventure mêle fantastique et combat, le tout dans un univers directement inspiré de la Chine et du Japon ancien. Les personnages sont intéressants et attachants.
En introduction je disais que le roman s’intègre dans une série, cependant, l’histoire a un début et une fin, il peut donc se suffire à lui-même. Ceci dit, j’ai aimé Balsa, le personnage principal, la femme guerrière, et j’aimerais la retrouver dans de nouvelles aventures, en apprendre plus sur elle. Je crois bien que je me laisserais prochainement tenter par l’édition anglaise du deuxième tome.
Quant à la qualité du livre, il est écrit de façon simple et fluide. Il se lit très facilement. Quant à la traduction, une seule maladresse m’a vraiment fait tiquer :
– … et enfin, un point vital très important pour toi, spécifique aux hommes de sexe masculin. […] p.86
Heu… les hommes de sexe féminin, moi je ne connais pas !
Le Gardian de l’esprit sacré est un light-novel, le propre de ce genre littéraire est de proposer des textes écrit dans un style simple, privilégiant les phrases courtes et les dialogues, critères que l’on retrouve dans notre roman jeunesse. Ceci dit, les éditions Milan le classent dans leur roman pour les 7-11 ans. Si moi j’ai trouvé la lecture très rapide et facile, j’ai bien peur qu’un enfant de 7 ans n’y comprenne pas grand-chose. J’aurais plutôt dit à partir de 10 ans.
Que l’on soit jeune ou pas, ce livre fera passer un bon moment à tous ceux qui aiment les histoires fantastiques et les ambiances Extrême-Orient. Pour moi, il a été un excellent compagnon de voyage donnant de jolies couleurs aux trajets « maison-travail ».
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Le royaume de Shin-Yogo :
Le royaume de Shin-Yogo s’inspire de la Chine et du Japon anciens. À sa tête se trouve le Mikado : l’empereur, considéré comme une divinité sur terre. Tel était le cas de l’empereur japonais (aussi appelé Mikado), mais aussi de l’empereur chinois.
Les mikado du royaume de Shin-Yogo étaient considérés comme étant d’ascendance divine et avaient trois épouses. La première à donner un héritier mâle au Mikado devenait ipso facto la première épouse. La suivante à mettre au monde un garçon était la deuxième épouse et la dernière la troisième épouse. p.14
À côté de l’empereur, on trouve le Seidôshi, « Grand Maître de la Voie des Astres » qui est celui qui tire véritablement les ficelles et dirige la politique du royaume. Il dirige le palais des étoiles où les « liseurs d’étoiles » sont capables de prédire l’avenir. Son influence sur le Mikado est très grande.
Seidôshi, « Grand Maître de la Voie des Astres », était le titre officiel du supérieur des liseurs d’étoiles. Il n’y en avait qu’un et aucune autre personne dans tout le royaume n’inspirait autant de respect, hormis le Mikado et son entourage immédiat, bien entendu. Et encore. Celui qui portait ce titre était considéré comme le plus sage parmi les sages du pays, et jouissait d’un tel pouvoir qu’il pouvait influencer jusqu’aux volontés du souverain. p 36
Si les « liseurs d’étoiles » ont pu me faire penser aux maîtres du Yin et Yang (onmyôji) du Japon antique, j’ignore si leur influence sur la politique était comparable à celle du Seidôshi du Nouveau Royaume de Yogo.
Shin-Yogo, une péninsule au nord de Yogo.
Le Nouveau Royaume de Yogo a pour territoire la vaste péninsule de Nayolo, prolongée au nord par la chaîne des Monts des Brumes bleues, et entourée au sud, à l’est et à l’ouest par l’Océan. p.36
source : site officiel
Il y a deux cents ans, le puissant royaume de Yogo était en proie à une « lutte sanglante » entre les princes héritiers. Le troisième prince, Yogo Togugaru, abdiqua de son titre de prince et se retira. Kaïnan Nanaï, liseur d’étoile, se présenta à lui affirmant qu’une prophétie lui avait révélé que le destin du prince était de fonder un nouveau royaume dans une péninsule au nord. (pp.36-42)
La péninsule de Nayolo m’a fait penser à la Corée. Tout d’abord parce que c’est une péninsule et qu’elle est protégée au nord par une chaîne montagneuse, puis parce que, de longue date, le Japon a cherché (et parfois réussi) à soumettre la Corée. Cependant la Corée est située à l’est du Japon et non au nord.
Par ailleurs le peuple autochtone, les Yakoo, me fait penser aux Aïnous qui peuplent le nord du Japon et notamment l’île d’Hokkaido.
Avant la fondation du Nouveau Royaume de Yogo, cette terre était habitée par un peuple nommé Yakoo, au menton carré et à la peau sombre. Les Yakoo vivaient dans de petits hameaux disséminés dans les plaines aux climats doux de la péninsule. Ils étaient des cultivateurs et des chasseurs. (pp.36-37)
Ceci dit, le climat doux de Nayolo ne correspond pas vraiment avec celui d’Hokkaido, réputée pour ses hivers rigoureux.
Pourtant, les nombreuses réflexions à propos des Yakoo, me font penser à la situation du peuple Aïnou au Japon. Tanda, apprenti chaman et ami de Balsa, se questionne à de nombreuses reprises au sujet de l’intégration des Yakoo dans la société Yogo dominante (et colonisatrice).
Et puis tu dis « un autre Yakoo », mais de nos jours, les Yakoo, comme les autres peuples, sont très largement métissés, comme moi. (p.115)
Le village de Yoshiro où Tanda allait bientôt arriver était un petit bourg en amont de la rivière de l’Arc bleu. […] Les habitants étaient dans leur majorité des métis de Yakoo et de Yogo, et vivaient dans des huttes de boue séchée en forme de bol renversé, l’architecture traditionnelle des Yakoo. En revanche, ils avaient depuis longtemps adopté les vêtements des paysans yogo […]Ils parlaient exclusivement yogo[…]. (p 142)
Son visage n’avait rien d’une Yakoo. Si elle partait vivre en ville un jour, personne ne pourrait deviner qu’elle avait du sang yakoo.
« Voilà comment les choses évoluent, pensa Tanda. Les Yakoo vont-ils totalement disparaître de la surface de la Terre? » (p.144)
Décidément, les Yakoo étaient en train de perdre les savoirs que leurs anciens s’étaient transmis durant des siècles. Pour Tanda ce n’était pas une découverte, mais en avoir la confirmation de façon si franche le rendait triste. (p.147)
Ces réflexions sur la disparition des traditions du peuple aborigène, ne peut que faire penser à l’acculturation, voir l’assimilation du peuple Aïnou au Japon. Au fils des métissages avec le peuple nippon, les Aïnous ont vu leur culture s’effacer et ce n’est que très récemment que les autorités japonaises ont pris à cœur de protéger la culture et les traditions de ce peuple autochtone. Je me demande si les réflexions que Nahoko Uehashi prête à Tanda sur l’acculturation des Yakoo ne sont pas là pour faire réfléchir les lecteurs nippons sur le sort des minorités culturelles de leur propre pays. Et d’une façon générale de nous faire tous réfléchir sur les processus d’acculturation et de sauvegarde des différences culturelles au sain d’un pays.
Quant aux traditions Yakoo, je serais bien incapable de dire si elles ont, de près ou de loin, quelque chose à voir avec les croyances Aïnou.
De même, si la civilisation Yogo rappelle énormément le Japon de Heian, l’auteur crée un univers à part. Le royaume de Shin-Yogo a sa propre histoire, ses croyances, sa culture… Nahoko Uehashi a su créer un univers convaincant dans lequel s’intègre parfaitement cette aventure de « Balsa à la courte lance ».
L’anime :
Le gardien de l’esprit sacré a été adapté en anime en 2007 par les studios Production I.G. Série télévisée de 26 épisodes de 25 minutes.
Réalisation : Kamiyama Kenji
Chara design : Asou Gatou
Musique : Kawai Kenji
Je garde un très bon souvenir de cet anime qui m’avait séduit autant par son scénario que par la réalisation. Mais je l’ai vu il y a trop longtemps pour pouvoir en dire plus. Le livre m’a donné envie de la revoir. En attendant de pouvoir lire ici un avis construit sur la série, je vous invite à lire ce qu’en pense a-yin.
Le coin des curieux :
Hein ?! Encore des choses à dire ?! Ben oui, une fois que je suis lancée, on me retient plus XD
Bon ,allez, je vais faire court.
Serei no moribito a aussi connu une adaptation en manga par Kamui Fujiwara en 2008, prépublié dans Shounen Gangan. La série fait 3 volumes, elle n’est pas licenciée en France.
Nahoko Uehashi est aussi l’auteur de La charmeuse de bêtes, autre light-novel publiée en français par les éditions Milan.
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Merci pour cet article complet. Il m’a donné envie de lire le lire. Je me le note. Bonne soirée***
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