TBTL 2019 #9 – La maltraittance
Le Throback Thursbay Livresque est un rendez-vous initié par Betty Rose Books et repris par Carole de My Books. Le principe du rendez-vous est simple, remettre en lumière un livre lu il y a quelque temps et qui illustre les thèmes de la semaine. Thème qui nous est donné par Carole.
Thème de la semaine : la maltraitance
Thème difficile, qui amène des lectures difficiles. J’avais tout d’abord pensé à un roman jeunesse lu l’année dernière par Mimiko, mais j’en ai parlé lors du dernier rendez-vous premières lignes.
J’ai finalement choisi un livre qui m’a bouleversé : Rescapé du camp 14, de l’enfer nord-coréen à la liberté écrit par Blain Harden.
Il est ici question de bien plus que de la maltraitance ! Des enfants incarcérés depuis leurs naissances dans des camps de travaux forcés aux règles absurdes et tortionnaires. Torture physique et psychique, dérives inhumaines d’un gouvernement totalitaire… Rescapé du camp 14 retrace la vie de Shin Dong-hyuk, un jeune nord-coréen qui prétend être né, avoir grandi et s’être enfui du camp 14, l’un des camps de prisonnier politique sous haute surveillance en Corée du Nord.
Tout ce qui est décrit dans ce livre est écœurant. Je n’arrive même pas à comprendre comment un être humain peut traiter un autre être humain de telle façon, comment on peut en arriver à battre à mort un enfant de 6 ans pour quelques grains de riz et trouver ça normal. Outre le témoignage bouleversant, ce livre m’a frappé justement parce que tout du long de sa lecture je m’interrogeais sur les mécanismes qui permettent de forger les bourreaux. Comment un gouvernement peut-il endoctriner à ce point sa population ? Je m’interrogeais également sur les conséquences de ce traitement sur les prisonniers, comment sont-ils également conditionnés. Tous ces mécanismes sous-jacents au témoignage lui-même et qui m’interpellent à chacune de ce type de lectures.
Je vous ai déjà parlé de Larmes interdites qui avaient provoqué les mêmes questionnements. Nous ne sommes ni dans le même pays ni à la même époque, mais les deux témoignages nous parlent de la dérive totalitaire d’un pouvoir extrémiste et du traitement qu’il réserve à ses « opposants ». Opposants avec des guillemets, car des enfants sont également considérés comme tels, à un âge où il ne savant même pas ce que ce mot veut dire.
En lisant Rescapé du camps 14, j’ai été bouleversée par le récit de Shin Dong-hyuk. Ce qu’il nous raconte de sa vie est terrible. Des conditions de vie très difficiles, la maltraitance dès le plus jeune âge et surtout aucun refuge, pas même auprès de sa famille. Les règles du camp détruisent tout lien de solidarité, même entre membres d’une même famille. La violence y est omniprésente. On ne peut que s’insurger face à un tel témoignage.
Une lecture-choc qui fait appel à notre empathie. Mais n’oublions pas de rester critiques. En lisant ce livre, j’ai été bien sûr bouleversée, mais en même temps je suis restée assez circonspecte. J’ai parfois eu le sentiment que dans le récit que Shin Dong-hyuk fait de sa vie il y a une part de ce qu’il croit devoir dire pour justement attirer la compassion de ses interlocuteurs. Ce genre de témoignage mobilise tout un tas de mécanismes psychologiques complexe : ce que la victime dit pour faire « plaisir » à l’interlocuteur, attirer son empathie, ce que la victime préfère cacher par honte, ce que la victime a fantasmé… Nous nous racontons tous notre propre histoire, à nous même, mais aussi à nos interlocuteurs et souvent on raconte ce que l’on pense que l’autre veut entendre, sans en être forcement conscient. Dans le cas de réfugiés, le mécanisme est exacerbé, car il y a la peur d’être renvoyé qui rentre en jeu. Shin Dong-hyuk est pris en charge par une association américaine qui l’aide à s’installer aux États-Unis justement parce qu’il s’est enfui de ce camp et qu’il fait ce témoignage. Il aurait été un nord coréen lambda, il n’aurait pas reçu cette aide. Une aide amplement justifiée au vu de ce qu’il a subi, mais on ne peut pas prétendre que cela n’a aucune influence sur le témoignage qu’il livre. Le journaliste le réinterroge d’ailleurs plusieurs fois pour tenter d’obtenir une version la plus proche de la réalité possible. Il est cependant difficile de faire la part du vrai et du faux.
Par ailleurs il est impossible de vérifier les informations que livrent les témoins ayant réussi à fuir ces camps puisque le gouvernement nord-coréen interdit toute enquête sur ces camps. On peut néanmoins saluer le sérieux avec lequel l’auteur chercher à compléter le témoignage de Shin Dong-hyuk à travers d’autres informations recueillies soit par d’autres témoignages, soit par des associations de défense des droits de l’homme ou encore par enquête journalistique. Le livre est très bien documenté et j’y ai appris beaucoup de choses sur la situation géopolitique de la Corée du Nord, au-delà du témoignage poignant qu’il livre.
Que certains détails de sa vie aient été déformés par le jeune coréen ne change en rien la réalité qu’il décrit : des camps où sont emprisonnés des opposants politiques dans des conditions inhumaines, où la torture et la maltraitance sont monnaie courante, où on enlève toute dignité humaine aux prisonniers. Et ça ne se passe pas dans les livres d’histoire, mais aujourd’hui.
Un livre intéressant, à effet secondaire : perte de confiance en l’humanité, attaques de larmes, découragement, rage…
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⇒ à lire aussi : Camp 14 : qui dit vrai ?
Le thème de la semaine prochaine : flash-back
Un livre qui colle parfaitement effectivement et sur un sujet dont on ne parle pas assez. M’intéressant à l’histoire asiatique contemporaine, je prends note.
Merci pour la découverte !
Je ne connaissais absolument pas! Merci pour cette découverte intéressante !
Navrée pour mon passage tardif !