Yûrei, les fantômes japonais
Cette année, pour l’événement interchallenge Contes & Légendes – Halloween, j’ai proposé de prendre rendez-vous avec les fantômes.
A cette occasion j’ai prévu un petit voyage au Japon, à la rencontre des yûrei (幽霊), les fantômes japonais. Je vous propose un petit article fourre-tout comme mon billet sur les yôkai . N’hésitez pas à compléter avec vos conseils lectures, films et séries.
Sous le terme yûrei se regroupent différents types de fantômes, ce sont les âmes tourmentées des humains morts dans la colère, la rancune, la jalousie… Bref, des personnes qui en mourant n’ont pas su se détacher de leurs émotions négatives et qui sont devenues des fantômes (et souvent des fantômes vengeurs). Les histoires des fantômes sont très anciennes dans la culture japonaise (notamment influencé par des récits de fantômes chinois), mais c’est à l’ère Edo que les récits de fantômes deviennent très à la mode. On les trouve aussi bien en littérature, qu’en peinture, au théâtre, etc.
Les yûrei sont souvent représentés sous forme féminine, avec de longe cheveux noirs, un kimono blanc, pas de jambe. Parfois un triangle de papier blanc sur le front.
Onryô
Parmi les différents types de yûrei, les onryô sont les esprits vengeurs. Les onryô (怨霊) peuvent causer la mort ou la maladie à leurs ennemis, mais aussi être responsable de catastrophes naturelles. Les esprits vengeurs des nobles sont appelés goryô (御霊 de 御 (go) « honorable » et 霊 (ryō) » âme »).
Les histoires de femmes fantômes qui trouvent la mort à cause de leur mari/amant sont très nombreuses, en voici 3 exemples.
Oiwa
J’avais déjà évoqué Oiwa dans mon article sur les yokaï, mais je n’en avais pas raconté l’histoire, la voici :
Oiwa est l’onryû le plus connu. Il existe de nombreuses adaptations de ce conte fantastique qui inspire toujours le cinéma d’horreur japonais. La première pièce mettant en scène l’histoire de Oiwa date de 1825 et a été écrite par Tsuruya Namboku IV pour le théâtre kabuki sous le titre Tōkaidō Yotsuya kaidan.
D’une adaptation à l’autre, l’histoire varie beaucoup, mais on retrouve certaines caractéristiques : Oiwa est empoisonnée par une rivale. Le poison la défigure. Son mari ne supportant pas la vue de son visage déformé la fait violer afin de pouvoir divorcer. Mais l’homme envoyé par le mari décide de ne pas la violer, mais lui montre son reflet. En voyant son visage déformé, Oiwa fait une crise d’hystérie et finit par accidentellement se blesser. Une blessure mortelle qui lui laisse cependant le temps de maudire son mari. Celui-ci épouse la rivale responsable de la défiguration d’ Oiwa. Le fantôme d’Oiwa viendra pour se venger à la fois de son mari et de sa rivale. S’ensuit tout un tas de mort, d’assassinats, de suicides…
De nombreuses estampes représentent Oiwa et on la voit souvent surgir d’une lanterne.
par Hokusai :
par Utagawa Kuniyoshi :
Yotsuya kaidan a été adapté plusieurs fois et cinéma et de nombreux film d’horreur modernes lui rendent hommage.
On retrouve aussi ce personnage dans les manga et les anime.
Cette histoire est reprise dans le premier arc de l’anime Ayakashi : Japanese Classic Horror . La série réalisée par les studio noitaminA en 2006 est composée de 3 arcs indépendants avec aux commandes 3 réalisateurs différents.
Le premier arc, L’histoire du fantôme de Yotsuya, a été réalisé par Tetsuo Imazawa. En France, la série a été licencié chez Kazé.
L’anime s’ouvre sur Tsuruya Namboku IV, l’auteur de la pièce de kabuki. C’est lui qui va nous raconter l’histoire de Oiwa et son tragique destin. L’anime reprends donc la version de la pièce de Kabuki, mais fait régulièrement référence à d’autres versions plus anciennes où Oiwa aurait été défiguré par la variole avant d’être repoussé par son mari.
La fin de cet arc est aussi très intéressante. Le narrateur, Tsuruya Namboku IV raconte la malédiction liée à l’histoire elle-même, il nous raconte plusieurs faits tragiques liés à la pièce et son adaptation au cinéma. L’histoire Tōkaidō Yotsuya kaidan serait elle même maudite. Pourquoi ? S’interroge le narrateur. Comment le fantôme d’un personnage qu’il a inventé pourrait vouloir se venger ? C’est parce que le public désire secrètement que l’histoire est maudite.
Kasane
L’histoire d’ Oiwa me fait beaucoup penser à celle de Kasane. Comme Oiwa, Kasane sera défiguré et se vengera. Tout comme pour Oiwa, l’histoire de Kasane a inspiré des pièces de théâtre, des films et même des manga. Gou Tanabe livre une très belle version de cette histoire dans un manga en 2 tomes intitulés sobrement Kasane. Dans mon article sur le manga, je donnais quelques informations supplémentaires sur l’histoire de Kasane, je vous invite à y jeter un œil si vous voulez en savoir plus.
Je me demande dans quelle mesure le manga Kasane la voleuse de visages, manga de Daruma Matsuura, s’inspire de la légende de Kasane. Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire ce manga, mais il me fait très envie.
Okiku
Autre fantôme féminin connu, Okiku est représenté dans l’une des estampes que j’ai utilisées pour faire les logos, une estampe de Hokusai.
Okiku était la servante d’un homme colérique qui la tortura après qu’elle ait cassé son assiette préférée. Elle parvient à s’échapper, se jette dans le puits et se noie. Depuis son esprit ressort du puits et compte les assiettes.
Il existe de très nombreuses versions de cette histoire qui a également été adaptée pour le théâtre kabuki et plus récente au cinéma.
Umi-Bozu et autres funayûrei
J’ai déjà évoqué les Umi Bozu dans mon article sur les yokai. Ayakashi (妖) ou funayûrei (船幽霊 ou 舟幽霊) ? Les noms changent d’une région à l’autre, d’une source à l’autre. Les Funayûrei sont des fantômes de personnes mortes noyées qui viennent tourmenter les marins. Tout comme Umi Bozu, un ayakashi naufrageur qui prend la forme d’un moine.
On retrouve cet esprit dans l’un des épisodes de la superbe série Mononoke. J’en ai aussi parlé ici.
Ikiryô
Les Ikiryô (生霊) sont très intéressant : ce sont des « fantômes vivant » c’est-à-dire qu’ils émanent de personnes encore en vie, mais dont la haine est si grande que celle-ci prend la forme d’un fantôme et vient tourmenter l’objet de la haine. Ces fantômes prennent vie à l’insu de leur créateur.
Dans le livre Histoires de fantômes du Japon (Lafcadio Hearn – Bajamin Lacombe, éditions soleil 2019) on rencontre un esprit de se genre dans le conte intitulé Le magasin de porcelaine hanté par la haine. Un jeune homme qui travaille dans un magasin de porcelaine sous la direction de son oncle pour un riche marchand voit sa santé dépérir, aucun médecin n’arrive à trouver l’origine du mal. L’oncle inquiet pousse le jeune homme à se confier. Celui-ci finit par lui avouer qu’il est nuit et jour tourmenté par un fantôme qui n’est autre que l’esprit de la femme du marchand. Quand on interroge la femme, celle-ci finit par avouer qu’elle éprouve une grande haine pour le jeune homme qu’elle perçoit comme un rival de son fils. Elle le hait tellement qu’elle a déjà désiré sa mort. Afin de sauver le jeune homme, le marchand décide de l’envoyer travailler très loin, la distance qui suffira à apaiser sa femme et fera disparaitre l’esprit vengeur.
Cette forme de fantômes créer par des personnes vivante m’a fait penser aux ayakashi du manga Noragami. En effet, dans ce manga/anime, le dieu Yato se bat contre des ayakashi, créatures fantomatiques aux formes étranges qui naissent des émotions négatives des gens.
Yôkai et folklore japonais sur Ma petite Médiathèque
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Avez-vous lu/vu des histoires de fantômes japonais ? Dites nous tout en commentaire !
Merci pour cette belle chronique…oui cela semble etre un superbe univers !!
Ils sont flippants tous ces fantômes…
Kasane est un des rares mangas que j’ai lu ! Les 3 premiers tomes du moins et j’avais bien aimé.
ah ! pour une fois! Et c’est un manga que je n’ai pas lu T_T
Une belle galerie d’entités japonaises un peu effrayantes, il faut bien l’admettre ! Merci pour toutes ces informations. 🙂