In These Words – le tueur, le psychiatre et le sexe

14 mars 2015 37 Par Bidib

Aujourd’hui, je suis d’humeur coquine. Je vais vous parler d’un yaoi, et pas un titres tout public ! Âmes sensibles, jeunes pucelles, et cœurs romantiques passez votre chemin ! Ce soir, c’est sexe, violence et … pas grand-chose d’autre au fait :'(

Aujourd’hui je vais vous parler d’un titre qui a fait du bruit dans le monde des fujoshi. L’éditeur français, Taïfu Comics, a même proposé une édition luxueuse limitée avec couverture cartonnée (et prix cartonné aussi !) en avant-première pour la Japan-Expo 2014. Bref c’était l’événement yaoi de 2014. Alors forcement, je ne pouvais pas passer à côté ! La couverture était sympa, le pitch intéressant, et l’excitation générale me laissait envisager un bon titre. J’ai fini par craquer en ce début 2015 avec ma petite commande trimestrielle sur PointManga (le site marchand de l’éditeur, tant qu’à acheter en ligne, autant soutenir cet éditeur que j’apprécie et dont je peine à trouver les manga en librairie). Bref, je me suis acheté In These Words.

édition simple Taïfu Comics

L’histoire :

Katsuya Asano, un bel homme à lunette, travaille comme profiler pour la police. Grâce à lui un tueur en série dangereux a enfin été appréhendé. Mais avant de pouvoir le mener devant le tribunal, Katsuya va devoir lui soutirer des aveux complets (apparemment, la police n’a pas assez bien fait son boulot pour pouvoir s’en passer). Pour ce faire, l’assassin est retenu prisonnier dans une maison dans un quartier abandonné, seul avec un inspecteur (ben oui, les prisons c’est pas un endroit sûr pour les tueurs en série…). Le psychiatre lui rend visite tous les jours, dans ce coin coupé du monde. Mais depuis qu’il s’est vu confier cette mission, Katsuya est perturbé par des cauchemars où un homme dont il ne voit pas le visage lui fait subir tortures et violences sexuelles (…).

Thriller psychologique ou bouquin de cul ?

N’en déplaise aux fans, je cherche encore le thriller !

Le bouquin s’ouvre sur un premier chapitre écrit, un prologue riche en dialogue où un type à lunette se fait aborder par un riche beau mec et ça l’énerve…

Déjà ça commence bien. Si les scènes sont creuses, ce n’est rien en comparaison avec le style littéraire. Je doute d’ailleurs que le mot « littéraire » puisse être employé pour définir cette façon d’écrire.

Une ombre se dessina sur ses papiers, l’interrompant. Il ne leva pas les yeux, mais l’agacement le gagna peu à peu. Il jeta finalement un coup d’œil quand il comprit que le contour flou ne bougerait pas. Un homme séduisant dans un manteau de cachemire noir lui fit un sourire radieux dès que leurs yeux se croisèrent. Le froncement des sourcils de Katsuya s’accentua.

Hou là, là j’ai des frissons ! Non, je plaisante ! C’est… Comment dire… J’ai du mal à trouver les mots justes sans être blessante. J’ai franchement trouvé ça très mal écrit. Ces quelques pages n’ont aucunement éveillé ma curiosité. Tout au plus m’ont-elle fait sourire par la médiocrité de leur style. Je ne sais pas si c’est dû à la qualité de l’original (ça ne m’étonnerait pas) ou à la traduction, mais le seul mot qui me semble parfaitement convenir c’est « nul ».

Mais bon, c’est 10 petites pages, très aérées avec beaucoup de dialogues et quelques illustrations… alors ça se laisse lire sans trop de souffrances. Passé ce premier cap difficile, on entre dans le vif du sujet. Au plus profond même, si vous me permettez ce mauvais jeu de mots. Dès la première planche, le ton est donné : un homme, les bras et les mains attachés, en chevauche un autre. Il est encore difficile de dire s’il s’agit d’un rapport consentant, ou pas. Mais, on n’aura pas besoin d’attendre longtemps pour connaitre la nature violente et forcée de ce rapport sexuel qui tombe sur notre premier chapitre comme la foudre sur le clocher de l’église (c’est un peu plus violent que le cheveu sur la soupe, enfin… pas de quoi vous faire pâlir d’horreur non plus).

À partir de là, on a des successions de scène où l’on voit Katsuya travailler et Katsuya se faire violer. Vous pensez qu’on aura alors le fameux thriller psychologique tant promis. Qui est donc se mystérieux violeur ? Comment Katsuya a-t-il pu se libérer de son emprise ? Est-il vraiment libéré ? Son esprit n’est-il pas encore dans cette chambre sombre et crade au côté du mystérieux violeur ?

Calmez vos ardeurs (celles qui réclament des stimulants intellectuels j’entends), si vous n’avez pas tout compris page 2, vous comprendrez tout une vingtaine de pages plus tard quand il n’y aura plus de doute pour personne, sauf pour le protagoniste qui, le pauvre, est perdu dans les méandres de sa mémoire, assailli sans relâche par des maux de tête et des cauchemars.

Il n’y a donc aucun suspens, on se contente de jouer les voyeurs en enchaînant des scènes de viol et de torture qui n’ont rien de particulièrement choquant. Enfin, c’est du viol quand même, vous me direz. Ouais, ben quand on en arrive au jesaispluscombientième yaoi, on en a vu d’autres. Et le duo Guil Pleasure n’offre rien de particulièrement innovant ou imaginatif en la matière. On est loin des images perturbantes qui peuplent les manga les moins recommandables où fleurissent des trucs bizarres en tout genre. Il n’y a qu’à jeter un œil du côté des shunga… rien qu’avec cette estampe d’Hokusai on a un aperçu de l’imagination japonaise en matière de jeu sexuel. Les auteurs d’in these words sont américaines… Sorti de la position du missionnaire et de la levrette… Il y a un peu de sang et quelques lacérations pour faire gore et puis c’est tout. Au même temps… c’est très bien comme ça, hein!

Soyons clairs, c’est du viol et c’est violent. Ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, c’est sûr. Mais ce n’est pas gore, on n’a pas de frissons d’horreur, on ne blêmit pas. Il y a des épisodes de New York Section criminelle bien plus insoutenables. Tout ça pour dire que le récit et la mise en scène ne sont pas non plus d’une violence remarquable. C’est une histoire de tueurs en série et violeur sadique plutôt gentillette. D’ailleurs, on a même pas peur ! Où sont donc le suspens et la psychologie qu’on nous a promis ? La violence visuelle est franchement soutenable (voire même un peu ennuyeuse), mais qu’en est-il du scénario?

Si j’en crois la définition que nous propose wikipédia, le thriller « utilise le suspense ou la tension narrative pour provoquer chez le lecteur ou le spectateur une excitation ou une appréhension et le tenir en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue ». Bien. Ici on a tout compris page 2, on a des scènes offrant une violence relative pas plus émouvante que ça, des dialogues qui ne cassent pas des pattes à un canard, que nous reste-t-il ? Les personnages !

Parlons-en de ces personnages. Ils sont comme le reste : pas très subtils. Ils parlent peu et le plus souvent pour ne rien dire de particulièrement intéressant. Ils ne sont pas attachants, pas effrayants, pas non plus particulièrement séduisants. Leur seul atout est d’être sexy. Parce que ça, ils le sont ! Deux putains de beaux gosses à vous faire baver pour peu que vous aimiez les beaux gosses en papier. Et chose non négligeable dans un yaoi : deux vrais mecs !

Voilà, tout est dit. Je rends mon verdict : c’est un bouquin de cul ! Et rien de plus.

In These Words, une grosse arnaque ?

Là vous vous dites que j’ai détesté, que je vais foutre mon bouquin à la poubelle, qu’il n’y a rien à en tirer. Ou alors vous êtes fan et vous me maudissez du plus profond de votre être, parce que franchement là j’ai rien compris !

J’avoue : j’ai rien compris ! Et pour cause ! Il y a rien à comprendre. C’est du pur guil pleasure, si je peux reprendre le nom de ce duo pour vous faire un deuxième mauvais jeu de mots. Ce que j’ai trouvé dans ce titre c’est du pur fan service pour des fan du genre, à savoir du pur yaoi pour fujoshi. Je suis une fujoshi et j’aime le yaoi. J’assume tout mon coupable plaisir et je garde le bouquin précieusement plaqué en haut de mes étagères, pour de futures relectures tout aussi coupables que la première.

Que nous proposent en réalité Jun Togai (au dessin) et Narcissus (au scénario) ? Du yaoi, dans la plus pure tradition du genre : « YamA nashi, Ochi nashi, Imi nashi » autrement dit « pas de climax [dans la narration], pas de chute [au récit], pas de sens [à l’histoire] »*. Ici toute cette histoire de tueur en série n’est que prétexte pour nous donner à voir du sexe entre mecs. L’histoire, elle est tellement peu plausible que si on y prête un peu trop attention on risque de se gâcher le plaisir. Comme, par exemple, le coup d’avoir enfermé le tueur dans une maison dans un quartier abandonné, mort de rire ! Il aurait été difficile de prendre une décision plus aberrante que celle-là !

Si on replace les choses dans leur contexte et qu’on lit In These Words pour ce qu’il est : un simple yaoi à l’ambiance sombre et glauque, alors on peut y prendre plaisir. Le dessin est superbe, plutôt réaliste et très sexy.

Seulement voilà : il n’est que ça ! Pas la peine de nous vendre du thriller psychologique.

édition limitée Taïfu Comics

Si je ne vous ai pas complètement dégoûté et que vous êtes curieux, allez faire un tour sur le site de Guilt Pleasure.

Vous pouvez également lire une très élogieuse critique sur le blog du Club Shôjo à la lecture de laquelle j’ai beaucoup souri. Non pas pour me moquer de misami-hirota, la rédactrice du billet, mais parce que nos points de vue sont si diamétralement opposés qu’on peine à croire que nous avons lu le même livre. Comme quoi, cela dépend autant des auteurs que des lecteurs 🙂

Il ne vous reste plus qu’à lire In These Words pour vous faire votre propre opinion. Et moi, à attendre le tome 2 pour voir si oui ou non le scénario est si banal que je le pense. 😉

 Sore jaa, mata

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