L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

29 novembre 2014 4 Par Bidib

Je n’ai pas l’habitude d’acheter les romans dès leur sortie, généralement j’attend de les voir en format poche. Je préfères. Mais là, challenge 1% aidant, je n’ai pas pu résister au tout nouveau Haruki Murakami. Si ma première rencontre avec cet auteur à été un peu ardue (je n’ai jamais fini le premier tome de 19Q4), les deux romans que j’ai lu après (La ballade de l’impossible, Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil) m’ont procuré beaucoup de plaisir. Ceci dit, j’ai un rapport étrange avec ses livres. J’aimais l’histoire de 19Q4 mais je n’ai pas réussi à le finir. Je n’aimais ni l’histoire, ni les personnages de ces deux autres romans pourtant je les ai dévorés. Il y a dans sa façon d’écrire quelque chose qui me captive et qui fait que je continue à lire malgré l’antipathie que j’éprouve pour les personnages.

Fort de cette expérience étrange, j’étais très curieuse de découvrir ce nouveau roman et de savoir quel effet il aurait sur moi.

Avant d’aller plus loin, quelques mots sur l’histoire de L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage.

Tsukuru Tazaki s’était lié d’une très forte amitié avec 4 autres jeunes lycéens. Durant leurs années de lycée, les 5 amis étaient inséparables, formant un groupe très harmonieux. Mais alors qu’après le lycée il quitte sa ville natale pour aller étudier à Tokyo, ses amis décident brusquement, et sans préavis, de couper les ponts avec lui. Il ne veulent plus ni le voir, ni lui parler. Le choc est brutal. Tsukuru sombre dans la dépression et fricote avec la mort. Mais la vie continue. Et il reprend le dessus, même si au fond de lui la blessure est toujours ouverte. Il a 38 ans quand il rencontre Sara. Pour la première fois de sa vie il pense être amoureux. Sara veut qu’il fasse le ménage dans son passé et qu’il retrouve ses amis pour comprendre ce qui a pu se passer.

Comme à son habitude, Murakami ne suit pas un fil chronologique. On passe d’une période de la vie de Tsukuru à une autre. Du passé au présent. D’un passé lointain à un passé plus récent. Si au début on peut se sentir un peu perdu dans ces bonds temporels, très vite on s’habitue. Et dès les premières phrases du chapitre on comprend dans quelle période on se situe. Murakami arrive à très bien maîtrises ces allées-retours dans la vie de son personnage. Et si j’en ai quelque fois éprouvé de la frustration (on veut savoir ce qui va se passer après telle conversation, et nous voilà propulsé des années en arrière, bien loin de la conversation qui a eu lieu au chapitre précédent), cette distorsion temporelle permet d’éviter l’ennui. Car la vie de Tsukuru n’est pas vraiment palpitante. Traumatisante pour lui certes, mais très banale dans son déroulement. Il se lève, il mange, il travaille… Il vit. Ou plutôt il survit dans un monde hostile. Seul. Presque. Ce qui sauve Tsuzuku, c’est son caractère mais aussi ses rencontres. Il n’est finalement pas aussi solitaire qu’il le crois. L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage nous compte comment un homme profondément blessé, continue de vivre.

Si l’amour joue toujours ici un rôle important, contrairement à La balade de l’impossible et Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil l’amour n’est pas le personnage principal du récit. Ce qui fait que ce roman a eu plus d’impacte sur moi que les précédents. Dans les deux autres livres, j’avais aimé le style mais détesté les personnages, ici j’ai aimé Tsukuru.

Pourquoi ? Peut-être parce que Tsukuru Tazaki c’est moi. Je me suis beaucoup identifié à ce personnage au point de parfois perdre le fil du recit et me retrouver dans celui de ma propres vie. Il m’a fallu quelques chapitre pour vraiment entrer dans la vie de Tsukuru et oublier à quel point il me ressemble. C’est sans doute cette ressemblance qui m’a permis de tout de suite ressentir de l’empathie pour Tsukuru. Je voulais le connaitre. En cela, j’aime tout particulièrement l’écriture de Murakami qui nous fait pénétrer au plus profond de l’intimité de ses personnages. C’est cette intimité qui se crée au fil du récit entre le personnage et le lecteur qui me rend accro à ses livres. Mais dans les précédents romans j’éprouvais une certaine antipathie pour les personnages principaux, peut-être à cause de leur excès de romantisme. Tout comme Tsukuru, les personnages des 2 autres romans cités plus haut avancent dans les brouillard, entre la vie et la mort, entre le rêve et la réalité. Il sont comme en marge de la vie, en marge de la société dont le rythme ou la strucutre ne leur convient pas. Cette vision border-line me fait entrer en empathie avec eux, mais l’Amour est trop présent, trop oppressant. Dans L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, l’amour est là, et il est salvateur. Mais il est plus discret. Tsukuru est un solitaire, du moins c’est ce dont il s’est persuadé. Alors l’amour c’est pas pour lui. Mais finalement il se laisse apprivoiser par ce sentiment nouveau. Ce cheminement progressif vers l’amour m’a touché, bien plus que l’amour dévorant et dévastateur des précédents romans.

Bref j’ai adoré ce roman, j’ai éprouvé beaucoup d’affection pour son personnage. Et, contrairement aux deux autres j’ai trouvé ce livre très positif. Il y a de la tristesse et de la solitude, mais il y a une force positive qui pousse à aller de l’avant, à garder les yeux ouvert et à se laisser apprivoiser par l’amour. Est-ce ce roman, ou moi qui devient plus romantique ? Je ne pourrais pas trancher. En tout cas ce roman est indéniablement un coup de cœur de cette rentrée littéraire 2014, que je ne regrette pas un instant. 

LIRE UN EXTRAIT


Le coin des curieux :

Ah! mais ça fait une éternité que j’ai pas fait un petit coin pour les curieux 😉

Comme je l’exprimais dans la chronique sur La balade de l’impossible, une détail qui m’a tout de suite marqué chez Murakami, c’est l’omniprésence de la musique dans ses récit. Celle-ci venant même s’immiscer dans les titres de ses romans. C’est le cas ici, les années de pèlerinage fait référence aux Années de pèlerinage de Liszt. Un disque que Tsukuru écoute à plusieurs reprises dans le livre.

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