Le bleu ne va pas à tous les garçons [autobiographie]

Le bleu ne va pas à tous les garçons [autobiographie]

19 août 2021 8 Par Bidib

Couverture Le bleu ne va pas à tous les garçons

Aujourd’hui je vous parle d’une autobiographie, celle de George M. Johnson : le bleu ne va pas à tous les garçons, dont la traduction française est sortie chez De Saxus dans la collection ellipsis en juin dernier.

Je n’ai pas l’habitude de lire des autobiographies, mais le contexte particulier de celle-ci m’intéressait. Dans ce livre George M. Johnson revient sur son expérience de personne noire et queer aux États-Unis. Comment iel a vécu cette appartenance à une double minorité dans une société qui discrimine les noirs et les personnes queer. Son intension, en partageant son vécu, c’est à la fois de donner une visibilité, mais aussi un espoir pour ceux qui comme iel pourraient se sentir seuls dans leur différence. Leur dire « vous n’êtes pas seuls ». Et peut-être permettre aux nouvelles générations de personnes queer noires de s’affirmer plus facilement.

Si George a vécu dans une Amérique doublement discriminante à son égard, iel a eu la chance de grandir dans une famille aimante qui ne l’a pas repoussé pour sa différence. Et c’est aussi cela qu’iel veut partager.

Dans une série d’essais personnels, George M. Johnson, journaliste et militant·e LGBTQIAP+, raconte de manière douce-amère son enfance, son adolescence et ses années universitaires dans le New Jersey et en Virginie.

Du souvenir de se faire casser les dents par des brutes à l’âge de cinq ans, de chiner avec sa grand-mère bienveillante, à ses premières relations sexuelles, cette autobiographie raconte sans détour les épreuves et les triomphes auxquels sont confronté·e·s les jeunes queers noir·e·s.

On rit, on pleure, mais plus que tout, on est touchés par la grâce et le courage qui se dégagent de cette œuvre. Véritable compagnon pour les jeunes queers qui se cherchent, Le bleu ne va pas à tous les garçons va au-delà de son public en s’interrogeant sur l’identité de genre, la masculinité toxique ou encore la famille.

Un témoignage brut, bouleversant et indispensable. Un véritable message d’espoir.

(source : De Saxus)

Au début, j’ai été un peu déstabilisé par le style. Je trouvais la tournure des phases étrange et je me demandais si cela était dû au style propre de l’auteur.e ou à un souci de traduction. J’avais l’impression qu’il manquait des mots, que les phrases restaient en suspend. J’ai eu cette impression pendant environ 2-3 chapitres puis, soit je me suis habitué au style, soit le rythme d’écriture devient plus fluide. Quoi qu’il en soit je n’ai plus ressenti cet étrange décalage. Et finalement j’ai trouvé la lecture plutôt plaisante et facile. L’auteur.e utilise un registre très abordable et s’adresse directement à son lecteur, ce que je trouve particulièrement agréable. Il ne s’agit pas seulement de raconter son histoire, mais de communiquer directement avec son lecteur pour lui faire passer un message à travers son expérience personnelle. George M. Johnson se livre ici avec beaucoup de sincérité et c’est touchant. On rit et on pleure au rythme des souvenirs doux ou douloureux.

J’ai plusieurs fois eu les larmes aux yeux, mais pas toujours pour ce que George dit sur iel. Parfois j’étais émue pour ce qu’il dit sur moi, sur nous, sur les personnes ne correspondant pas au modèle hétéro cisgenre. Et c’est pour cette raison que j’ai mis si longtemps à lire ce livre (un mois pour seulement 284 pages, si vous me suivez sur Instagram vous avez pu suivre ma progression en story). J’avais besoin de prendre un temps pour enregistrer toutes les informations, y réfléchir. Réfléchir à moi-même, à mon expérience, à mon positionnement actuel. Mais surtout j’avais besoin de temps pour laisser les mots de George M. Johnson agir et changer mon positionnement où tout simplement lancer le processus de réflexion sur des sujets auquel je ne pense pas forcement. Car si son expérience de personne queer dans un monde hétéronormé me parle, son expérience de personne noire dans une société de blancs en revanche est bien loin de mon expérience personnelle.

D’ailleurs, au début je trouvais le discours assez exagéré dans l’insistance quant à la couleur de peau. Je me demandais, par exemple, pourquoi iel met en avant sa couleur de peau quand iel raconte l’expérience traumatisante qu’iel a vécue à 5 ans quand iel a été battu par d’autres enfants du quartier. De mon point de vue cette expérience aurait été tout aussi traumatisante pour n’importe quel enfant. L’agression n’ayant pas de caractère raciste, je ne voyais pas le rapport avec le fait d’être ou ne pas être noir. Et j’ai éprouvé ce sentiment à plusieurs reprises. Au fur et à mesure de ma lecture, j’ai commencé à comprendre le sentiment de l’auteur.e et à percevoir en quoi cela a toujours un rapport, en quoi le fait d’être noir est toujours important. Je ne prétendrais pas que j’ai compris ses sentiments, mais disons que j’ai commencé à percevoir ce qu’iel veut dire. Et ça, c’est déjà pas mal.

Le livre s’adresse avant tous aux jeunes queer noirs américains. Et en cela je me sentais parfois exclue du propos. Cela ne me concernait pas vraiment. Ceci dit cela n’est jamais fait sur un ton « nous » contre « vous ». Mais plutôt dans une volonté de donner de la visibilité à une double particularité : noir et queer. Et si je ne connais rien à la communauté noire Américaine, d’après ce que je comprends du discours de George M. Johnson, l’identité queer au sein de la communauté noire et particulièrement mal accueillie et les personnes concernées se voient autant discriminées au sein de leur propre communauté qu’au sein de la société dominante (comprendre majoritairement blanche). En ce sens je comprends parfaitement la volonté de l’auteur.e de donner une visibilité à cette minorité-là, avant de parler de la communauté queer en général.

Bref, George M. Johnson, en se livrant à nous, offre une visibilité et un message d’espoir aux personnes qui partagent son expérience, mais aussi un terrain de réflexion à ceux et celles qui ne la partagent pas ou pas complètement. Une lecture très intéressante qui m’a fait grandir.

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