Vipère au poing
Aimer, c’est s’abdiquer. Haïr, c’est s’affirmer. Je suis, je vis, j’attaque, je détruit. Je pense, donc je contredis.
Je me souviens maintenant pourquoi j’avais tant aimé ce livre quand j’avais 15 ans. L’état d’esprit de Jean était alors le mien. Et si mon dictateur n’avais ni la cruauté ni la constance du sien, j’étais une révoltée. Et la résistance, qui depuis longtemps n’était plus passive, était mon mode de vie. En Jean Rezeau je reconnaissait un maître à penser. Dans ce livre je trouvais des beaux mots pour dire ces sentiments.
La haine, beaucoup plus que l’amour ça occupe.
Et j’étais très occupée à haïr le monde.
Jean, dit Brasse-bouillon, est né dans la campagne craonnaise, dans une vieille famille de la haute bourgeoisie, qui de haut n’a plus que l’estime d’elle-même. Un père effacé, Jacques, une mère cruelle et tyrannique, surnommé par fils Folcoche, deux frère, un aîné, Chiffe, et un cadet, Cropette, des percepteurs qui ne cessent de se suivre et la cuisinière muette, Fine, forment le tableau de son enfance. Plus prompte à la révolte que ses frères, il en devient le chef de bande, celui qui n’a pas peur d’affronter la rage maternelle. C’est dans la vielle propriété familiale, à l’ombre de la gloire passé et étouffé par une fois chrétienne qui n’a gardé que le pire que Jean grandi brandissant l’étendard de la révolte et de la haine. Car sa mère le haie (qui ne haie-t-elle pas ?) et Jean le lui rend bien.
J’avais aimé Vipère au poing parce que j’étais Jean (en plus modeste). Je l’ai aimé à nouveau parce Hervé Bazin a les bons mots et l’art de raconter cette révolte, qu’il rend si vivante, si remarquable. Alors même qu’il ne se passe pas grand chose dans cette campagne, ses mots savent me tenir en haleine.
Si les sentiments qui habitent Jean à la fin du roman ne sont plus les miens, j’ai relu ce livre avec la même excitation étrange que lors de notre première rencontre. Vipère au poing a ravivé en moi le souvenir d’anciennes résistances, et c’est avec amusement et détachement que j’ai vu se superposer mes souvenirs et ceux de Jean, avec tout ce que ces deux histoires ont de différente et d’étrangement semblable. J’y ai reconnu le sentiment de révolte, mais aussi ce mélange de haute estime de soi-même, d’autocritique et de cynisme dont Jean fait preuve vis-à-vis de sa famille.
Le regard impitoyable et lucide que Jean jette sur sa famille et sur la vielle bourgeoisie qu’elle représente m’a beaucoup amusé, surtout qu’il avoue en avoir hérité des traits, et pas forcement les meilleurs.
Un coup de cœur à 15 ans. Un coup de cœur aujourd’hui. Un vrai classique qui, malgré le temps qui passe, garde toute son mordant.
Je n’ai jamais lu ce classique mais j’ai adoré lire ton billet, empreint d’authenticité…
J’avoue ne plus savoir si je l’ai lu ou non… Je croyais que oui, mais finalement, je n’en suis plus aussi sûre ! En tous cas, ton billet donne envie. Merci pour cette première participation (ça ne sera peut-être pas la dernière ? -) 😉
[…] : Vipère au poing d’Hervé Bazin […]
Un livre sur un sujet douloureux. Merci pour le partage!
Ton article est très beau… et intime. Merci beaucoup pour ton avis de lecture et ton double ressenti dans lequel tu te livres.
J’a lu ce livre ado, mais je ne me souviens plus vraiment de mon ressenti de lecture, je suppose donc je ne l’ai ni détesté, ni aimé!
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