Et si on parlait de vins

Et si on parlait de vins

8 août 2023 0 Par Bidib

Bonjour, je vous retrouve aujourd’hui en compagnie de Dan Stevenson, cofondateur de Supernaturels.

Bidib : Dan, peux-tu nous présenter en quelques mots le concept de Supernaturels ?

Dan : C’est une structure d’importation de vins naturels. Le but est de proposer des abonnements de 3 ou 6 bouteilles. Chaque box est composé de bouteilles très différentes afin de faire découvrir à nos clients divers caractères de vin. La singularité de la sélection nous permet d’habituer le palais de nos clients et de les accompagner dans la découverte des vins naturels.

Nous construisons, parallèlement, une relation durable avec les vignerons et souhaitons faire partager avec notre clientèle ce soutien au long terme et ne pas travailler sur du one-shot. Au fil des box les clients fidèles découvriront de nouveaux millésimes de mêmes vignobles.

Supernaturels c’est aussi une cave physique sous l’ancien hôtel des douanes de Bruxelles, sur le magnifique site de Tour et Taxis, où on peut venir chercher son vin du mercredi au vendredi, de 15h à 19h.

Bidib : Peux-tu nous expliquer ce que c’est un vin naturel et qu’est-ce qui le distingue d’un vin conventionnel ?

Dan : Premièrement, c’est un vin qui a été produit proprement, c’est à dire sans engrais chimique et pesticide, on travaille au rythme des saisons, pas de labour et de travail du sol. Le but est d’avoir un travail durable sur la vigne. Les vendanges sont manuelles et, en règle général, on évite la mécanisation.

Deuxièmement, c’est un vin qui a fermenté sur ses levures indigènes. C’est-à-dire qu’on ne va jamais ensemencer le vin avec une levure qui a été produit ailleurs. Les levures exogènes vont ajouter un goût et dénaturer le raisin. On se refuse tout entrants œnologiques (fécules de pommes de terre, colle à poisson, etc.) et technique brutale de vinification tel que la pasteurisation, osmose inversée, filtrations, etc. Concernant les sulfites, on ne peut sulfiter qu’en toute petite mesure et seulement au moment de la mise en bouteille. Dans un vin conventionnel, on peut être à 250mg/l de sulfite alors que la limite est de 30 mg pour les vins naturels.

Toutes ces restrictions en termes de techniques ont toutes pour but de faire ressortir le terroir du vin sous sa forme la plus pure. Par terroir on entend le climat, le sol et le savoir-faire du vigneron. La production conventionnelle a, par certaines de ses techniques, normalisé le goût du vin. Les différences de terroirs y sont beaucoup moins subtiles.

Dans le vin nature on trouve des choses qui se différencient énormément des vins conventionnels par des goûts prononcés qu’on ne retrouve pas habituellement, une robe trouble, des couleurs surprenantes. Mais le vin nature ce n’est pas que ça, il y a aussi des vins naturels dont les goûts sont parfaitement comparables à ceux des vins auxquels ont est plus habitué.

vignoble Nagy&Sons, Morigat, sud de l’Hongrie

Bidib : un vin naturel est-il toujours bio ?

Dan : Stricto sensu oui. Un vin naturel est censé avoir l’appellation bio. Cependant chez Supernaturel on ne s’attache pas au label, mais on prête attention à ce que les vignerons travaillent selon les méthodes naturelles. On peut dire donc que tous nos vins sont bio, mais que tous n’ont pas de label.

Chez Supernaturel on tient à avoir une cohérence sur nos valeurs du bien manger et du bien boire, c’est à dire qu’on attache de l’importance à la qualité du produit, on veut qu’il soit bon et sain, respectueux  de l’environnement, mais on veut le vivre de façon simple et détendue. Comme nous l’ont déjà dit quelques vignerons : « c’est du vin, il est bon, et on le pissera tous demain ».

Bidib : Si je viens dans ta cave sur quels critères vas-tu me conseiller du vin?

Dan : ma première question quand on vient chercher du vin est toujours  de demander quelle est l’ambiance de la soirée : avec qui on va boire, qu’est-ce qu’on va manger, est-ce qu’on va manger, déguster ou beaucoup boire, un repas formel ou entre amis… Et puis je demande au client ce qu’il n’aime pas et je cherche alors à trouver dans cette catégorie-là quelque chose qui puisse le surprendre. Par exemple si on me dit je n’aime pas le rosé, je vais chercher le rosé différent. Le rosé auquel on est habitué c’est du rosé français ou italien, je propose, alors, du rosé autrichien pour faire découvrir une autre façon de faire qui sera tellement différente qui viendra surprendre et remettre en question l’idée qu’on se fait du “goût du rosé”. Enfin, j’aime conseiller sur les sentiments, parfois le client n’a pas les termes techniques pour définir ce qu’il aime, ce qu’il cherche, je lui demande alors de me décrire une sensation qu’il a envie de ressentir, par exemple quelque chose de réconfortant ou de provocant ou d’excitant. Par exemple, une cliente m’a un jour dit «aujourd’hui j’ai envie de me sentir comme un champ de fleur en été», à ça j’ai envie de conseiller Vibra soul, un macabeu catalan, très légèrement macéré qui a à la fois le corps et la volupté d’un vin du soleil la fraicheur d’un vin d’altitude et une aromatique particulièrement florale sur le bouton de rose, le lilas.

Bibid : À ce propos, nous avons parlé d’associer vin et lecture. Si je te décris l’ambiance d’un livre, saurais-tu me conseiller un vin qui l’accompagne ?

Dan : Bien sûr.

Bidib : par exemple, je suis actuellement plongé dans un livre policier qui m’amène dans le nord de l’Angleterre au cœur du Moyen Âge. L’ambiance y est rude. Nous sommes chez les Saxons. De vifs débats opposent les protagonistes, des questions religieuses qui vont déterminer l’avenir de toute une région. La brutalité des uns se confronte à l’érudition des autres. S’il est question d’un meurtre sanglant dans une abbaye, c’est surtout la tension géopolitique du roman qui me fascine.

Dan : Admura, un vin du sud du Piémont fait d’un jus assez dur, puissant, acide et tannique qui a été élevé 32 mois dans des amphores en terre cuite. À commencer dès l’ouverture. Il sera trop dur, mais à mesure que le bouquin avance et que le vin s’aère, il va s’équilibrer, s’arrondir, aller sur des petits amers de cacao, toujours un poil rude, mais de plus en plus raisonnable. Le mélange d’arômes terreux et de petites baies noires devraient rappeler la dureté du sol anglais. Quand on le finit, ce n’était pas facile, mais ça nous manque.

Bidib : Oscar Wilde, avec le crime de Lord Arthur Savile. Dans ce très court roman, Oscar Wilde, avec son cynisme habituel, se moque de la haute bourgeoisie londonienne de la fin du XIXe siècle et de sa fosse bonne morale. Frisant à l’absurde, le héros va commettre le pire des crimes persuadés d’œuvrer pour l’honneur. C’est caustique et drôle.

Dan : On va aller en Autriche, sur un pétillant naturel rosé de Zweigelt et de Gruner vetliner. Très léger, très intense, on a une impression de poulpe de pamplemousse. C’est désaltérant et tonifiant. Ça fait brunch avec de belles tasses.

 

Bidib : un petit dernier pour la route : Écoute la pluie tomber d’Olivia Ruiz. Sud de la France, années 70. Une famille aux racines espagnoles, aux blessures vives. L’héroïne nous parle d’elle, de ses amours, des trahisons, de la prison, de la drogue, du deuil. La vie ne lui épargne rien. Et pourtant la force de vie est toujours brulante. La chaleur d’un foyer où on s’aime , on crie, on se déchire, on se retrouve, mais surtout où on se soutient. La vie forte et puissante, où l’espoir succède au désespoir. Un roman très court, raconté à la première personne.

Dan : le canon de la goulue. On est dans le nord du Bordelais, à Blaye. Sur une cuvée de malbec et cabernet. C’est une cuvée hommage à la Goulue, reine du cancan, qui a su rester bonne vivante et n’hésitais pas à s’envoyer les vers des clients avec une certaine légèreté face à la dureté de la vie. C’est un vin gourmand et familial, mais qui demande de prendre le temps de s’ouvrir et de préparer une belle tablée conviviale.

Bidib : serais-tu intéressé par un petit rendez-vous accord vin-livre régulier ?

Dan : avec plaisir, c’est exercice nouveau et que j’apprécie.

Bidib : pour conclure, des projets pour la rentrée ?

Dan : Oui, attenants à la cave, nous allons inaugurer notre salle de concert underground alternative dans laquelle on compte mêler post punk, rap, électro et vin nature à grand coup de canon. Du populaire et bon vivant : le winebunker

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