Naufrages
Souvent on me demande quel est mon type de littérature préféré. A chaque fois je suis bien enbêté car en vérité je lis de tout, et l’impacte qu’aura un livre sur moi dépend plus de mon état d’âme au moment de le lire que de son genre, voire même de sa qualité. Et le livre dont je vais vous parler aujourd’hui en est le parfait exemple. C’est Tenger qui me l’a prêté, cela doit faire maintenant plusieurs années. Je l’avais presque aussi tôt commencé et… je ne dépassais jamais la page 10. Impossible d’entrer dans l’histoire, je trouvais le style pesant et ça me donnais mal à la tête rien que de me dire qu’il fallait que je termine ce livre. Tenger aurais pu me dire “puisque tu ne le lis pas, rends le moi”, mais patiente elle continuait de me demander “as-tu fini Naufrages ?” à chacune de ses visites, et à chaque fois, honteuse je bredouillais que je n’avais pas eu le temps… “pends ton temps” me disait-elle à chaque fois. Et moi je me jurais de le lire avant sa prochaine visite. La dernière fut la bonne. Cette fois je glissais le roman dans mon sac avec la ferme intension de mettre un terme à ce manège. Soit j’arrive à le lire soit je lui rendrais quand même. Et j’ai recommencé ma lecture à la page 1.
Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé exactement depuis ma première tentative, ni pourquoi je n’avais pas aimé. Avant que j’ai eu le temps de me reposer des questions j’avais bien avancé dans le roman et à chaque fois que le train arrivait en gare, je regrettais que le voyage ne dure pas plus longtemps pour rester plongé dans ce Japon rural et terrible que nous décrit Akira Yoshimura.
Trêve de bavardage, passons au livre !
L’histoire :
Naufrage nous raconte la vie dans un village japonais, accroché au flan d’une montagne, les pieds dans la mer, au climat hostile et la vie plus que dure. Les villageois ne vivent pas, il survivent.
Derrière le village se dressait la paroi dénudée de la montagne où des rochers pointaient par endroits. Les dix-sept petites maisons semblaient desespérement accrochées à l’étroite bande de litoral pour ne pas tomber dans la mer. Leurs murs de planches, sans cesse battus par le vent du large, étaient poudrés de blanc. Les grosses pierres posées sur les toits de chaume pour les consolider étaient blanches elle aussi. Aoutour des maisons, la terre en pente douce était couverte de cultures en terasses. Malgré l’engrais, la terre mêlée de gravier n’était pas très fertile et ne donnait que de maigres recoltes. Il n’y poussait pour toute céréales que du panic ou du millet. (p.9)
Isaku, jeune garçon de neuf ans devien l’homme de la maison quand son père se vends pour trois ans, afin d’assurer la survie des siens. “Ne laissez pas mourir les enfants de faim”, voici la recomandation que le père fait à Isaku et sa mère avant de les quiter. Dès lors, Isaku doit subvenir aux besoins de sa famille tout en obéissant à sa terrible mère dont l’autorité et la froideur donnent des frissons.
Mon avis :
Plongé dans le quotidien de Isaku et des villageois, on suit leur vie au rythme des saisons qui passent et qui se succèdent. On découvre au fils des pages les différentes activités que chaque saison amène. Je n’ai pas su déterminer à quelle période ce récit se déroule, l’histoire est en fait assez intemporelle et on a le sentiment que le village vit ainsi depuis une éternité, et pour longtemps encore. Je dirais, comme ça que nous somme durant la période Edo, mais c’est mon sentiments personnel, aucune indication claire n’est donné.
Ce que j’ai aimé, c’est le rythme donné par les saisons, l’auteur nous donne de nombreux détail sur le mode de vie, les méthodes de pèche, les signes annonciateur… Avec Isaku on guette les montagnes pour voir si à leur cimes les arbres ont déjà commencé à rougeoyer, avec lui on attends la fin de l’hiver, le début de l’été… Yoshimura sait rendre ce village particulièrement vivant, les descriptions précises mais jamais trop longues nous aident à nous projeter et on lit ce livre comme on regarderait un film. Toute la scène se déroule sous nos yeux, palpable, réelle. Le réalisme est, je dirais, la meilleur qualité de ce roman.
C’est à partir de ce sommet que les feuilles rouges, comme les autres années, faisaient leur apparition avant de s’étendre progressivement aux autres le long de crêtes et déferler soudain, avec la rapidité d’une avalanche, sur les pentes qui se coloraient de vermillon. Et la vague franchissait ensuite les profondes valées pour recouvrir les collines et arriver enfin à la montagne dérière le village. A ce moment là, d’habitude, les feuilles mortes avaient déjà fait leur apparition sur les sommets dans le lointain. (p.15)
Mais si je l’ai finalement rapidement dévoré, je lui ai trouvé un défaut majeur : le misérabilisme. Les habitant de ce villages sont misérable. Il auraient pu être simplement pauvres, mais non ! Yoshimura en fait des tonnes et les rends tellement misérables qu’il finissent par en perdre en réalisme (oui je sais, je me contredit). Ce n’est pas parce qu’on est pauvre, qu’on est forcement triste. Ce n’est pas parce qu’on ne mange pas tous les jours à sa faim qu’on ne peut pas rire. Ici les villagois font peur tellement ils sont glauques. Isaku n’a presque jamais vu sa mère sourrir. N’est-ce pas exagéré ? D’accord quand on ne sais pas si on aura assez pour nourrir ses enfants, on doit être très préoccupé, mais faire la gueule en plus ne remplis pas l’estomac. A défaut de leur donner à manger elle pourrait, cette mère, leur donner de la tendresse. Mais non, ici, ce n’est pas que le climat qui est hostile, c’est la vie tout entière. D’ailleurs parler de vie y est exagéré. Les personnages ne semblent pas vivres mais seulement survivre. Et comme la misère n’est jamais suffisant, l’auteur leur rends la vie toujours plus dure.
Si vous aimez les happy end et les lectures légère, surtout ne lisez pas Naufrages. Car si le rytme et le style sont agréable et la lecture facile, le contenu lui est accablant et démoralisant. A moins qu’on ne se réjuisse de ne pas être né là-bas et que l’on fasse tout son possible pour ne pas s’identifier au jeune Isaku, on risque de ressortir de cette lecture un peu secoué. âmes sensibles s’abstenir.
A ceux qui ont les nerfs solide, je conseille cette lecture qui, non seulement m’a fait découvrir un auteur au style intéressant, très photographique et poétique à la fois, mais permet aussi de découvrir une autre facette du Japon, moins glamour, moins stéréotypé aussi peut-être, bien que, selon moi, un peu exagérée.
破船 (hasen)
Naufrages
Akira Yoshimura (吉村 昭)
1982 (1999 Acte Sud pour la version française)
traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle
Acte Sud collection Babel
à lire aussi l’avis de Choco
Nan, tu l’as lu, maintenant je ne pourrais plus te taquiner! XD
Moi j’ai adoré chaque page du bouquin, et d’habitude je ne suis pas très intéressée par les histoires sans action… Celui-ci est spécial!
J’ai pas trouvé que les personnages étaient trop glauques. Peut-etre j’ai une vision plus noire sur le monde 😀 Je les ai trouvés plutot réalistes.
Pour l’époque, c’est vrai qu’on ne sait pas trop… peut-etre Edo, peut-etre XVème siècle… vraiment dur à dire.
je ne sais pas.. les enfants qu’ils soit pauvres au pas s’enfichent pas mal… ce village manque cruellement de rires d’enfants. Quand on les entends ce n’est que pour pleurer de douleur. Que font-il quand il ne sont pas malades ? Et les pêcheurs après la pêche pourquoi ne se retrouvent-ils pas pour boire un verre d’alcool sur la place ? On peu faire de l’alcool avec n’importe quoi ! je suis bien sûr que même sur ces rivages hostiles on trouverais de quoi se faire une petite gnôle pour oublier la faim. Ou alors c’est moi qui prends la vie trop à la légère…
D’ailleurs cette vision très pessimiste/fataliste m’a fait penser à un autre roman japonais que j’adore : le bateau-usine. Les deux livres ont plusieurs point commun : une écriture très photographique et la misère du monde
Sais pas trop. Parfois les gens sont abrutis par la fatigue et la misère chronique. ça m’est arrivé de trouver, par exemple, des reportages sur la vie des villages sous Stalin et l’ambience était un peu commeça…
Je crois que ça depends du niveau de misère et de la durée dans le temps. Si c’est trèss mauvais, mais on a l’éspoir que ça puisse changer, c’est une chose. Si on ne connait que ça et ça peu meme empirer, c’est différent, IMHO 😉
Puis ça depend aussi de la culture. Par exemple une connaissance de Vilnius me racontait que là-bas de rigoler dans la rue ou meme de sourire sans raison évidente, ça se fait pas (les gens trouvent ça extravagante).
Plus qu’une question de degré de misère je pense que c’est une question de culture. J’ai aussi vu des reportages sur des villages plus que miséreux, mais où tous le monde était joyeux et souriant. Une amie qui avait voyagé au Cambodge, par exemple me disait avoir été surprise par le côté chaleureux et sourriant des cambogiens même dans des régions très pauvres… peut-être le climat… Après, je n’y suis pas allé moi même et les reportages nous montrent ce qu’il ont envie de nous montrer. Je ne sais pas, mais j’ai trouvé que l’ambiance dans ce roman est très pesante
Je suis bien contente que tu ai insisté sur ce titre ! Yoshimura est un de mes auteurs japonais préférés. Ses romans sont toujours très noirs, à la fois cruels et ironiques sur la vie. Moi non plus je n’ai pas ressenti l’excès de misérabilisme que tu cites. Vu leurs conditions de vie, je pense que le rire est en trop dans leur quotidien.
J’en profite pour te remercier pour l’envoi du guide sur les yaoi, il me semble que j’ai oublié de le faire… Je l’ai feuilleté mais pas encore lu sérieusement, le temps me manque hélas !
je ne sais pas, j’ai trouvé que l’auteur en faisait un peu trop… mais après, ces choses là relèvent plus de la sensibilité de chacun plus que de la qualité de l’auteur.
Pour le guide, j’aimerais avoir ton avis une fois que tu aura eu le temps de le lire ^^