Moxie [roman + film]

Moxie [roman + film]

30 avril 2022 2 Par Bidib

J’avais vu passer la bande-annonce du film adapté sur Netflix et cela m’avait plutôt intrigué, mais je ne l’avais pas regardé de suite. Quand j’ai vu que le roman éponyme sortait aux éditions Le Livre de Poche Jeunesse, j’ai eu envie de le découvrir. Le côté girl power et lutte féministe dans les États-Unis de nos jours m’intéressait bien et je me suis dit que cela intéresserait peut-être mes filles, deux féministes convaincues et qui loupent rarement une occasion de le faire valoir.

J’ai donc lu ce roman au mois de mars, il était parfait pour le challenge mars au féminin organisé par Flo and Books. Vous avez pu voir mon avis en direct dans mes vlog lecture du mois de mars, ou dans mes stories Instagram, mais je tenais à présenter le livre sur le blog et d’en profiter aussi pour regarder le film et livrer un avis croisé roman-film.

Couverture Moxie

Vivian est en première dans une petite ville paumée du Textas. Dans son bled il ne se passe pas grand-chose, la seule distraction ce sont les matchs de l’équipe de football américain du lycée. Tout le monde ne jure que pour cette équipe ce qui donne aux joueurs de l’équipe un statut à part dans le lycée. Leur comportement a beau être irrespectueux, voire outrancier, surtout à l’égard des filles, personne de leur dit rien. En même temps rien d’étonnant dans une école aussi sexiste que celle-ci. Pourtant Vivian, qui n’a rien d’une rebelle, n’en peut plus de ce sexiste omniprésent. Supporter les remarques des joueurs de foot devient pour elle insoutenable. Derrière son apparente de gentille fille modèle, bouillonne une activiste en herbe. À l’occasion d’un énième incident qui la met hors d’elle, Viviane décide de lancer Moxie, un fanzine inspiré de ceux que lisait sa mère quand elle était ado. Le premier parcenuméro lancé un premier pavé dans la marre. Vivian va rester dans l’anonymat, à la fois parce qu’elle est effrayée par sa propre audace, mais aussi parce qu’elle ne veut pas être le lider d’un mouvement de révolte, elle veut que chaque fille s’empare de ce mouvement et qu’il devienne celui de tout le monde. Elle va donc discrètement observer les réactions de son entourage face à ses idées. Les choses avaient bien commencé, avec une belle adhésion à ses idées, mais les choses dégénèrent quand la direction de l’école décide de mettre un terme aux actions de Moxie. Vivian aura-t-elle le courage de continuer le combat face à la machine de pouvoir misogyne qui règne en maître dans le lycée ?

En commençant ce roman, qui est plutôt court (336 pages), je m’attendais à quelque chose de très rythmé, une narration qui aurait du punch et donnerais envie de tout lire d’un coup et… ben j’ai été un peu refroidie dans mon élan par un début assez lent. ça démarre doucement. On fait la connaissance de Vivian, on découvre sa famille, son lycée, ses amis, ses idées… et ça traine en longueurs. Avant que Vivian décide de se jeter dans l’aventure de Moxie, il ne se passe rien de bien passionnant. Et même une fois la première action lancée, il faut attendre un bon et long moment avant qu’une deuxième action voit le jour. C’était un peu trop long à mon goût. J’aurais aimé un style un peu plus rythmé, avec une lecture plus rapide. J’avais un peu de mal aussi avec l’héroïne, très quelconque, et le contexte, très caricatural. On est vraiment dans l’ambiance série américaine school life avec tous les clichés du genre. Et bon… pour ça j’ai un peu passé l’âge. Par exemple les passages où Vivian tombe amoureuse m’ont laissée complètement indifférente.

J’ai dû un peu me forcer à entrer dans ce roman, je me demandais quand l’action allait s’accélérer et il m’a fallu faire preuve de patience, car si on finit par avoir une accélération de l’action, elle n’intervient que dans le dernier tiers du livre. Les deux premiers tiers sont une tranche de vie tranquille avec des préoccupations d’ado qui occupent autant de place si ce n’est parfois plus que les préoccupations féministes. L’héroïne tombe amoureuse, voit d’un mauvais oeil la nouvelle relation de sa mère, se chiffonne avec sa meilleure amie, etc. Mais malgré une relative lenteur dans la narration, j’ai aimé le fait que Vivian soit une fille absolument quelconque. Ce n’est pas une rebelle, ce n’est pas une extravertie, c’est une jeune fille réservée et sage, bonne à l’école, obéissante… Et pourtant ça ne l’empêche pas de refuser le traitement qui est réservé aux filles dans son établissement. Et ça, je trouve que c’est un message très fort. Le combat féministe et le combat de tout le monde, pas juste des rebelles.

Un autre aspect m’a un peu chiffonné dans cette lecture, je trouve que le décor y est trop caricatural, j’avais du mal à y croire. Que la direction soit ouvertement sexiste et que les joueurs de football jouissent d’une certaine immunité soit, mais là ça me semblait trop gros pour être vrai. Un peu plus de nuances auraient rendu le contexte plus crédible, sans rien changer au propos. Encore une fois, j’avais vraiment l’impression d’être dans une série avec tous les clichés : la pompom girl parfaite, le joueur de foot beauf, la meilleure amie jalouse, le brun mystérieux qui n’est pas comme les autres… Tout y est et donne au récit un côté un peu too much à mon goût. Mais en même temps c’est pleinement assumé, on donne un ton résolument série américaine au récit, mais on y glisse des vraies revendications féministes et ça, c’est chouette. Après tout quand on regarde les séries scholl life américaine on peut pas vraiment dire que le féminisme y soit de mise, or si on peut ici toucher un public amateur de ce genre de séries romantique pour y glisse une réflexion féministe, moi je dis que c’est une très bonne idée.

Et c’est ce que je retiens de ce roman, une très bonne idée, mais qui tombe un peu dans la caricature. Je conseille néanmoins ce roman à toutes les jeunes filles amatrice du genre tranche de vie, parce que ça amène une jolie réflexion sur le féminisme et le sexisme avec des choses qui finalement ne sont pas si caricaturales que ça puisqu’elles font écho à de choses que nous avons pu observer même dans les lycées français (je pense aux crocs tops qui avait été récemment interdit et aux tenues “correctes” exigées). J’ai d’ailleurs passé le roman à ma cadette (14 ans) et je suis curieuse d’avoir son ressenti sur cette lecture. (Je viendrais vous en toucher 2 mots ici quand elle l’aura lu)

Le plus non négligeable : le roman se termine par quelques recommandations de l’autrice pour aller plus loin dans la réflexion féministe. Une très bonne idée, cette petite liste d’ouvrages. Par ailleurs, plusieurs noms de féministes américaines sont cités dans le roman et moi ça m’a donné envie de me renseigner, d’aller plus loin dans la découverte. Si je suis féministe depuis mon plus jeune âge, je n’ai pas beaucoup lu sur le sujet et ce roman m’a donné envie de m’intéresser à l’histoire du féministe, notaient des autrices et activistes américaines puisque c’est d’elles qu’il est question ici.

Et le film ?

Si le film reprend les grandes lignes du roman et son thème principal, de nombreux détails ont été changés, notamment chez les personnages secondaires. ainsi le petit ami venu d’ailleurs devient un gars du cru, la meilleure amie et la nouvelle amie voient une partie de leur rôle inversé, etc.

Dans le film il y a beaucoup plus de diversité que dans le roman, j’imagine que cela répond à une “chartre” netflix. Sur le principe, je suis tout à fait pour le fait d’avoir plus de diversité dans les fictions, cependant cela enlève une partie du propos du roman. En effet si le thème principal du roman est la lutte féministe, le sujet du racisme y est abordé par le fait que l’héroïne se rend compte qu’elle ne fréquente que des blanches. Or cette prise de conscience disparait complètement du film où la meilleure amie devient d’origine asiatique. Ceci dit, la question du racisme y est quand même abordée. La meilleure amie se verra d’ailleurs attribuer le rôle initialement dévolu à un autre personnage dans le roman et qui amène l’héroïne à avoir la discussion autour du fait d’être blanche et de le pas comprendre la discrimination subie par ceux qui ne le sont pas (on survole à peine le sujet, mais il est là).

Que ce soit le petit ami ou la meilleure amie dont les origines changent, je trouve que les modifications faites par l’adaptation sont intéressantes et cassent un peu le côté ultra stéréotypé du roman. Certains personnages en revanche sont effacés par le scénario et nous ne les voyons plus que comme figurant.

Autre changement intéressant dans le scénario : c’est une directrice qui maintient ici une structure misogyne et non un directeur, cela peut paraitre anodin, mais encore une fois, je trouve que cela casse le stéréotype et donne un peu plus de complexité au propos. Il n’y a pas que les hommes qui soient misogynes et qui maintiennent une société sexiste, les femmes aussi y participent.

Mis à part ces quelques détails qui apportent un peu plus de diversité et un soupçon de complexité supplémentaires au récit, le film reste plutôt fidèle au roman, y compris dans son ambiance sitcom lycéen.

Tout comme pour le roman, j’ai le sentiment d’avoir passé l’âge, mais je reste touchée par le message qu’on veut faire passer.

Share